Les droits d’auteur, les redevances et le piratage en Sierra Leone
Cet aperçu propose une analyse des dispositions légales établies par la loi de 2011 concernant le droit d’auteur et de l’étendue de sa mise en application en Sierra Leone.
Contexte
Une nouvelle loi concernant le droit d’auteur avait été votée au Parlement le 13 juillet 2011 en Sierra Leone, en rappel à celle de 1965. La loi a été signée et promulguée par le Président, Dr Ernest Bai Koroma, le 29 juillet 2011, donnant naissance à une nouvelle ère pour les artistes musicaux Sierra-Léonais.
L’acte original sur le droit d’auteur apparaissait dans les livres de loi depuis 1965. Il semblait alors obsolète à bien des égards.
Tout d’abord, il ne pouvait être appliqué correctement en raison, par exemple, des amendes infligées en cas de violation du droit d’auteur fixées en shillings et en pence, devises abandonnées depuis bien longtemps. La monnaie officielle en Sierra Leone est le Leone, et ce, depuis le 4 août 1964. Le leone a remplacé la livre britannique ouest-africaine, qui à l’époque s’échangeait contre 2 leones ou 5 shillings.
Ensuite, force est de constater que la loi de 1965, portant sur le droit d’auteurs ne peut s’appliquer dans une société inondée par les nouveaux médias tels que la distribution de musique en ligne.
Introduction
La nouvelle loi offre une protection aux auteurs, co-auteurs et auteurs adjoints, et ce, pour un ensemble de réalisations telles que la littérature, les œuvres artistiques, les œuvres musicales, les enregistrements sonores, les œuvres audiovisuelles et même les œuvres chorégraphiques. Les oeuvres auxquelles s’applique cette protection doivent être fixées sur un média défini et d’expression connue ou qui sera développé ultérieurement. En résulte la possibilité pour cette œuvre d’être perçue, reproduite ou autrement communiquée et ce, de manière directe, ou à l’aide d’une machine ou d’un appareil.
Cette protection s’applique aux œuvres réalisées par les citoyens sierra léonais, les résidents ordinaires et les personnes morales. La loi stipule clairement que l’œuvre doit être tout d’abord publiée en Sierra Leone, ou, dans le cas d’une première publication à l’étranger, une publication en Sierra Leone doit être effectuée dans les trente jours qui suivent.
La loi offre une protection obligatoire pour les œuvres soumises aux traités internationaux dont est signataire la Sierra Leone. Cela comprend les œuvres produites par les Nations Unies ou l’une de leurs agences spécialisées, de même que les œuvres de l’Union Africaine, ou de La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
La fonction de contrôle de cette loi sur le droit d’auteur est du ressort du Ministère du Commerce, qui peut, au moyen de textes réglementaires, créer des prescriptions quant à l’enregistrement et au dépôt des œuvres, aux taxes à payer sur les appareils techniques utilisés pour la création des œuvres, ainsi qu’à la forme et l’étendue des contrats et licences relatives à la publication, à la représentation publique, à l’enregistrement sonore et aux productions audiovisuelles.
Types de protection
Cette loi offre une protection à la fois pénale et civile. Cependant, la reproduction en une seule copie d’une œuvre publiée est permise sans l’autorisation du détenteur des droits d’auteur, si et seulement si la reproduction est effectuée par une personne physique et exclusivement destinée à un usage personnel. Ainsi, cette loi est explicite et a pour but de protéger les œuvres originales de par la nature unique de leur création.
Les auteurs, les artistes-interprètes et producteurs d’enregistrements et d’autres travaux soumis à des droits d’auteur ont le droit de percevoir des royalties. De même, les propriétaires de droits mécaniques reçoivent des royalties lors de représentations publiques ou leur enregistrement. Cependant, la loi ne précise pas les montants de ces royalties.
Durée du droits d’auteur
La loi stipule explicitement que les droits d’auteur définis sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles, cela signifie que de tels droits ne peuvent être révoqués par un délai de prescription.
En substance, les droits économiques et moraux d’un auteur sont à présent protégés tout au long de sa vie et encore pendant cinquante ans après son décès. De plus, les droits moraux ne peuvent expirer et existent à perpétuité. Ces droits peuvent être réclamés par les successeurs de l’auteur et ce, même si les droits économiques reconnus à l’auteur selon cette loi ne le sont plus envers ses successeurs attitrés.
La loi a un effet rétroactif dans la mesure où elle s’applique aux œuvres, spectacles, enregistrements audio et diffusions, qui existaient avant l’instauration de la loi, et au-delà; pour autant que les termes de la protection n’aient pas expiré relativement à un texte législatif antérieur ou relativement à un texte législatif du pays d’origine de l’œuvre; les œuvres, spectacles, enregistrements audio et diffusions sont protégés par un traité international dont est signataire la Sierra Leone.
Société de perception
La loi prévoit l’établissement d’une société de perception, laquelle doit être une entité sans but lucratif. Sa fonction première est de percevoir et de distribuer les royalties et autres rémunérations aux membres enregistrés. A cet égard il revient au détenteur des droits d’auteur d’informer le régistrateur et la société de perception.
La société de perception est gérée administrativement par un comité, et présidée par le Président de l’Assemblée Générale de la Société. Parmi les autres membres doivent figurer deux personnes désignées par l’Union des Musiciens de Sierra Leone et un producteur de musique désigné par l’Association des Producteurs de Musique de Sierre Leone.
Violation du droit d’auteur
La loi prévoit des sanctions en cas de violation du droit d’auteur sous forme d’amendes ou de peines d’emprisonnement, cela dépend du secteur. Tout contrevenant sera susceptible de faire l’objet de poursuites donnant lieu à une amende ne pouvant excéder soixante millions de leones (approximativement 9000$), à une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder trois ans, ou à une amende et une peine d’emprisonnement.
La loi offre non seulement une protection aux détenteurs de droits d’auteurs établis en Sierra Leone, mais sanctionne aussi l’importation d’appareils ou d’instruments destinés au piratage, ainsi sont punis à la fois les revendeurs et reproducteurs de matériel soumis à des droits d’auteur.
La loi stipule que toute personne qui importe ou exporte en/de en Sierra Leone ; ou en se trouvant en possession d’appareils ou d’équipements destinés à la production d’un instrument ou appareil de piratage, commet une offense et est susceptible de faire l’objet de poursuites donnant lieu à une amende ne pouvant excéder soixante millions de leones (approximativement 9000$), à une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder trois ans, ou à une amende et une peine d’emprisonnement.
En octobre 2017, aucun régistrateur n’a encore été désigné, et la société de perception n’a pas encore été instaurée. Cependant, une équipe intérim de mise en œuvre des droits d’auteur a été établie en 2011 par le Président Koroma.
L’absence de ses deux organes clés signifie que pour le moment, les propriétaires de droits intellectuels procèdent à des arrangements individuels avec des distributeurs indépendants pour la distribution de leurs produits et le paiement des royalties. La loi actuelle ne présice pas les montants ni la fréquence des paiements des royalties, ce qui pousse à parler au mieux, dans le cas présent, d’un système ad hoc
Le droit d’auteur aujourd’hui
Nonobstant les dispositions claires de la loi sur le droit d’auteur de 2011, aucun cas de piratage ou de violation de la propriété intellectuelle n’a été porté devant un tribunal en Sierra Leone depuis 2011. De plus, il n’y a, depuis la passation de la nouvelle loi de 2011, aucune preuve tangible attestant de la réclamation par un détenteur de droits d’auteur d’un dédommagement hors tribunal après violation desdits droits.
Par conséquent, le piratage est omniprésent en Sierra Leone. Les propriétaires des droits d’auteur ne font pas valoir ces droits et le gouvernement sierra leonais ne fait pas respecter les droits des propriétaires internationaux. En somme, la musique, les films et les livres, qu’ils soient nationaux ou internationaux, continuent à être distribués en toute illégalité.
Les élections législatives en Sierra Leone sont imminentes, elles se tiendront en mars 2018. C’est une période au cours de laquelle l’influence des musiciens est accrue. Cela pourrait être l’occasion pour les détenteurs de droits d’auteur tels que les artistes musicaux, de demander l’implantation de la société de perception et la désignation d’un régistrateur.
Conclusion
En conclusion, le propriétaire des droits protégés par la loi sur les droits d’auteur de 2011 doit être indemnisé par le défendeur pour les dommages causés. Les dépenses suscitées par la violation de ces droits, y compris les frais de justice, sont à la charge du contrevenant.
Cependant, s’il convient d’appliquer la loi à la lettre, cette protection n’est garantie qu’après enregistrement du produit auprès du régistrateur. Faute de quoi, nul ne peut légalement revendiquer le moindre dédommagement.
Le recouvrement des royalties demeure plus qu’aléatoire en l’absence d’une société de perception, ce qui laisse d’autant plus de place à l’exploitation des chanteurs.
La nouvelle loi garantit au propriétaire d’un droit d’auteur la possibilité de transférer entièrement ou partiellement ses droits économiques à un tiers. La propriété intellectuelle peut donc être transmise aux membres de la famille et aux amis, qui peuvent, dès lors, continuer à jouir des avantages de la protection du droit d’auteur. La loi stipule explicitement que les droits exprimés dans le document ne peuvent être révoqués par le délai de la prescription. La loi sur les droits d’auteur de 2011 représente une nouvelle ère pour l’industrie de la musique en Sierra Leone, mais son application laisse beaucoup à désirer.
References
1. Sierra Leone Copyright Act 2011, (29th July 2011) GoSL Printers
2. Wikipedia (2017) Sierra Leone: Leone, [Online] Available at: https://en.wikipedia.org/wiki/Sierra_Leonean_leone [Accessed on 13th October, 2017]
Cet article a été originalement écrit et publié en anglais, et s’inscrit dans le cadre du projet Music In Africa Connects, une initiative de développement à multiples facettes visant à soutenir les secteurs musicaux des pays africains touchés par les conflits. Pour en savoir plus sur Music In Africa Connects, cliquez ici.
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