Les femmes dans la musique tchadienne
Par Roy Moussa
Les femmes restent minoritaires sur la scène musicale tchadienne. Néanmoins, elles se distinguent par leurs talents et leurs savoir-faire.
Deux périodes marquent leur présence effective comme actrices ou intervenantes dans le secteur musical.
1960-1980 : les cantatrices et les griottes
La première période est caractérisée par la valorisation des musiques traditionnelles, pendant laquelle des cantatrices de renom émergent d’une manière remarquable. Parmi elles : Djingayam, Morsilé et Maman Eldjima. Cette dernière a sorti un album en 2007 produit par Yoka Production. Elle fait également l’objet d’un film documentaire réalisé par Zara Yacoub, directrice de la radio Dja FM.
Elles ont bénéficié d’une grande promotion assurée par la Radio Tchad, qui continue jusqu’à nos jours de diffuser leurs œuvres. Des poétesses qui à travers la douceur de leurs timbres vocaux, ont su utiliser la beauté des mots pour attirer l’attention sur les méfaits de la société, prodiguer des conseils et vanter la société tchadienne.
Cette période a été fortement marquée par l’omniprésence de Mme Haoua Ngaba, une grande dame très impliquée dans le milieu musical. En 1968, lors de l'inauguration d'un bar, elle avait réussi à faire déplacer le président de la République Feu François Ngarta Tombalbaye. Ce qui lui a permis par la suite de produire et gérer plusieurs groupes locaux, et d’accueillir des vedettes de renommée internationale telles que Franco et le TP OK Jazz, Tabu Ley Rochereau et l’Afrisa International ainsi que des orchestres centrafricains et de Congo-Brazzaville.
Durant la même période, il y a eu quelques rares apparitions d’artistes féminines, très vite rattrapées par les pesanteurs socioculturelles. Notamment Achova de « la voix du Ouaddai », Zenaba de « Echo Tchad» et Faly Falola.
2000 à nos jours : la nouvelle génération
La seconde période est marquée par l’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de Communication (NTIC), la profusion des radios de proximité et des studios d’enregistrement et les chaines de télévision étrangères. Différentes musiques et clips proposés sont autant de sources qui inspirent la jeune génération.
On assiste à un déferlement dans le milieu musical de jeunes artistes en herbe, d’animatrices radio et présentatrices télé qui s’impliquent et consacrent leurs tranches à l’accompagnement et à la promotion des jeunes talents. Dans cette floraison, quelques musiciennes ayant fait du chemin et chacune dans son style, se distinguent de la plus belle manière, en local comme à l’international. Les célébrités du monde musical féminin ne sont pas légion. Mais on peut notamment citer :
Mounira Mitchala, après avoir côtoyé à ses débuts le mythique groupe H’Sao (aujourd’hui émigré au Canada), elle a patiemment fait son petit bonhomme de chemin avant d’atteindre les sommets. Lauréate du Prix Découvertes RFI 2007, elle reçoit par la suite le prix «VISA pour la création » de Culture France pour son premier album intitulé Talou Lena, et donne des concerts à travers le monde. Mounira enregistre en France un second album de 12 titres intitulé Chili Houritki, paru aux Editions Africa Nostra et distribué par Sony Music Entertainment en 2012.
Elle décroche le 29 décembre 2012 à Abidjan (Côte-d’Ivoire), lors des Kora All-Africa Music Awards, le trophée de la « Meilleure artiste féminine de l’Afrique Centrale », avant de recevoir le prix de la « Meilleure artiste francophone» lors des African Francophone Awards South Africa (AFASA) en 2014.
Mounira Mitchala tourne plusieurs fois dans l’année. Elle est unique par son style et son timbre vocal.
Menodji Clarisse alias Melodji, est la lead vocal du groupe Matania (composé de cinq jeunes chanteuses). Après la participation de son groupe aux jeux de la CEN-SAD au Niger en 2007, Melodji conquit la scène musicale nationale, et lance son album solo baptisé Tah Hor Ndal. Ce disque sera nominé aux oscars du Cameroun en février 2015. La même année, elle est finaliste aux Prix Découvertes RFI.
Imposante par sa voix, sa forme et son style musical, Matibeye Géneviève a été encadrée par la chanteuse gabonaise Annie-Flore Batchiellilys. Elle devient célèbre au Tchad et dans les pays de la sous-région. Elle décroche son premier prix de la chanson au Dari'Awards et une récompense dans la catégorie World Music au festival NDjamvi en 2015. En 2016, elle reçoit le titre de « Meilleur spectacle » au festival Bikutsi au Cameroun. Elle est sélectionnée par un jury international dans la catégorie chanson pour représenter le Tchad au 8e Jeux de la Francophonie, qui se tient en juillet 2017 en Côte-d’Ivoire.
Audrey Linda Shey, après avoir occupé la scène locale pendant des années, Audrey s’est installée depuis deux ans aux États-Unis où elle poursuit sa carrière musicale.
Outre leur talent de chanteuse, ces artistes ont la capacité de mobiliser la population à travers des campagnes de sensibilisation sur le paludisme, le VIH/Sida, les droits de l’enfant et de la femme. Elles sont souvent ambassadrices d’organisations telles qu'Unicef et UNFPA.
D’autres femmes,ont choisi d’investir dans le management et la production comme Sarah Noudjalbaye, la promotion et la communication (Motta Blandine, Clémence Adnely et Madji Bandoum), ou encore la régie, le son et la lumière (Déborah Honmal Ngakoutou).
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