Omar Pène - Album 4G, une histoire de générations
Comme toujours, lorsque j’écris sur Omar Pène, j’aime me remémorer l’une de nos premières rencontres, marquée à l’encre indélébile dans la brume de mes souvenirs d’enfance. Je devais avoir 6 ans, nous étions en 1992. Le Plateau, quartier où je suis née et ai grandi, était (et l’est toujours, à une échelle moindre), le quartier d’affaires du tout – Dakar. Il abritait aussi l’un des seuls studios d’enregistrement de la capitale, qu'occuperont plus tard, les locaux de la première télévision privée du Sénégal, à savoir la 2STV.
Le Studio 2000, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était le lieu de convergence de tous les pontes de la musique sénégalaise. Et à quelques encablures de l'établissement, à l’Immeuble Fahd, était sise la radio Sud – FM. Ce qui faisait de ce coin de Dakar un lieu ultra fréquenté et très foisonnant artistiquement.
L’un de mes grands frères était fan de Omar Pène, à telle enseigne qu’il cultivait la ressemblance physique avec lui. Et à chaque fois qu’Ablaye Ndiaye (l’un des multiples surnoms de Omar Pène) était dans les parages, il allait à sa rencontre, en compagnie de ses amis, aussi mélomanes que lui. Un jour, il décida de m’y emmener, en raison paraît-il, de mon insistance à aller avec les grandes personnes. Mon cerveau enregistra par le menu détail : la BMW rouge aux vitres fumées, la veste en cuir, la boucle d’oreille scintillante, cet air affable et paternel, le temps passé à serrer les innombrables mains tendues, et ce rire, un rire franc, lumineux, qui touche l’âme.
Le reste, c’est de l’Histoire.
Cet homme et sa musique m’ont accompagnée durant toutes les étapes de ma vie, les bons comme les mauvais, les joyeux comme les tristes. J’ai grandi avec cette voix à nulle autre pareille dans les oreilles, qui me faisait danser, mais aussi méditer, réfléchir sur l’absurdité et la dureté de cette vie ici-bas.
Mes amis se moquent souvent de moi en arguant du fait que Omar Pène n’articule pas quand il chante, et de ce fait, ils ont du mal à comprendre ce qu’il dit ; ils se contentent donc d’écouter la mélodie. Je leur rétorque qu'Omar Pène, c’est non seulement une belle voix, mais des paroles pleines de sens, qu’il faut prendre le temps d’écouter, de comprendre, car qui va comptabiliser 40 ans de carrière, si ce n’est quelqu’un qui fait de la musique de qualité ?
J’avais déjà parlé de l’album commémorant ses 40 ans de carrière, dénommé Ada, en hommage à Adama Faye, compagnon de la 1ère heure par ici. Et depuis la sortie de cet album, des trombes d’eau ont coulé sous les ponts. La maladie, son séjour en France où je l’ai encore une fois rencontré, amaigri mais tenace. Je pensais que le firmament avait été atteint avec cet album marquant quatre décennies de carrière, mais Ablaye Ndiaye a semble-t-il, plus d’un tour dans les cordes vocales.
Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de (fausses) rumeurs propagées, notamment sur son état de santé déclinant et surtout sur le départ et l’arrivée de musiciens, donnant le Super Diamono pour mort. Malgré cette mise à mort tant de fois annoncée, il est toujours là, à renaître de ses cendres.
De plus, je demeure convaincue que s’il ne restait qu’un micro et un homme derrière ce micro, cet homme aurait la faculté de faire pénétrer dans nos cœurs des notes mélodieuses.
Car comme le titre de cet article le dit, le Super Diamono, c’est une histoire de générations. Celle de mes parents, de mes frères, la mienne, celle qui viendra après moi. Chaque génération s’approprie les chansons et les fait siennes, tout en étant sûre qu’il en restera pour la suivante. Et quel que soit dans la sphère musicale sénégalaise le style de musique, tous s’accordent sur un fait : ils se reconnaissent dans la musique d'Omar Pène et du Super Diamono ; à l’image du nouvel album live qui vient de sortir et qui est le prétexte de cet article.
La nouvelle équipe de musiciens qui accompagne Omar Pène est, il faut le reconnaître, très talentueuse. Sans entrer dans le débat visant à établir une comparaison avec la liste exhaustive de musiciens ayant fait les beaux jours du Super Diamono, qui du reste ont écrit les annales de la musique sénégalaise, la #4G, pour 4e génération, est talentueuse. Et l’on voit qu'Omar Pène s’éclate en leur compagnie. J’ai pu le constater lors de toutes les soirées que j’ai pu visionner, que ce soit celles au Grand Théâtre, ou le traditionnel bal des fans du Super Diamono qui a lieu tous les ans, le 24 décembre.
Le nouvel album live qu’il vient de sortir est en quelque sorte un hommage à cette 4e génération de musiciens. Sobrement intitulé 4G, l’opus est composé de 8 titres et est un condensé live de quelques titres classiques. Comme si c’était un défi relevé aux jeunes, leur disant « montrez de quoi vous êtes capables » !
Pour ma part, j’aurais bien voulu une vingtaine de titres, mais comme je suis une addict, je n’en aurai jamais assez ! Huit titres triés sur le volet composent l’album 4G.
« Afsud » : quiconque connaît Omar Pène connaît la magnifique relation qui le lie à ses fans. L’Amicale des Fans du Super Diamono (AFSUD) en est une superbe illustration, regroupant et fédérant les fans du groupe de par le monde. En plus du traditionnel bal des fans de chaque année, l’AFSUD organise diverses activités et est très structurée. Son Président actuel, Mame Thierno Fall est très actif dans la promotion des activités et événements de Omar Pène dans le domaine digital, et c’est à saluer. Omar Pène lui rend d’ailleurs un hommage appuyé dans cette nouvelle version et c’est un régal.
« Jaraaf » : s’il n’avait pas été chanteur, Omar Pène aurait été footballeur. C’est d’ailleurs une blessure, marquant l’arrêt définitif de sa carrière de footeux, qui l’a orienté vers la musique, grâce à l’entregent de celui qu’il considère comme son mentor, à savoir Baïla Diagne. Raison pour laquelle sa discographie est parsemée de titres phare dédiés au football, que ce soit à l’équipe nationale, ou aux clubs du championnat sénégalais. Parmi ces clubs, je peux citer la Jeanne D’Arc de Dakar, « la vieille dame », plus vieux club du Sénégal. J’ai beaucoup aimé la nouvelle version de « Jaraaf », et surtout le clin d’œil à Cheikh Seck, ancien joueur international sénégalais et actuel président du club.
« Diallo Djéry », « Bass », « Nitt » : l’amitié est une valeur insondable dans la vie de Omar Pène. Il n’arrête pas de le répéter à longueur d’entretiens. Tous ceux qui ont eu l’honneur d’être chantés par Omar Pène, sont des amis de longue date, avec qui il a eu à vivre des moments précieux et il leur rend hommage avec sa voix.
« Dila beug », « Jelinala » : je suis profondément convaincue qu'Omar Pène est un romantique dans l’âme. Les titres dédiés à sa moitié, Bana, ou les autres traitant de l’amour, il les interprète avec une telle sensibilité que l’on est transporté d’émotion. Et s’il se trouve qu’on est amoureux, c’est encore mieux. Et si c’est remixé avec en prime de superbes lignes de basse, que demander de plus ?
« Saï Saï » : alors qu’aujourd’hui l’on parle beaucoup de violences sexuelles et de leur résurgence dans notre pays, Omar Pène fut un précurseur avec « Saï Saï », mettant en garde les jeunes filles contre ces dérives. Un de mes préférés…
Au terme de cet article plus long que la moyenne, car le sujet s’y prêtait, j’espère que vous achèterez le nouvel album, que vous prendrez le temps d’écouter, et que surtout vous serez saisi d’émotion face au talent de cet homme qui année après année, décennie après décennie, étend les tentacules de son immense talent.
Le temps passe, Omar Pène demeure et j’aurai une dernière requête si tu me lis Baye (père) Pène : j’attends le nouvel album studio. Tes petits ont fait leurs preuves en live, il faut les éprouver avec un album studio.
Artiste : Oma Pène
Album : 4G
Label / Année : Mbaye NDiaye / 2019
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