
Entretien exclusif avec Kalam : Le kundé, un héritage à préserver
Ségou, Mali, le 7 février, sur la rive du Niger qui donne son nom au Festival sur le Niger, un cadre emblématique où traditions et modernité se rencontrent. La 21e édition du festival, qui a débuté le 4 février, bat son plein, et c’est ici, à la Fondation sur le Niger, que nous rencontrons Kalam. Sur scène, elle est une énigme, masquée, laissant parler son kundé et sa voix singulière. Mais aujourd’hui, pour cet entretien, elle se dévoile sans artifice, et avec une malice assumée, elle sourit : « Mon kundé et mon masque parlent pour moi sur scène, mais ici, c’est moi qui vais vous parler. »
- Kalam
Lamine Ba : Avant de parler de votre parcours, j’aimerais qu’on commence par ce qui nous réunit aujourd’hui : le kundé. Que signifie-t-il pour vous, au-delà de l’instrument ?
Kalam : Pour moi, le kundé est bien plus qu’un simple instrument à cordes. C’est une mémoire vivante, un messager entre le passé et le présent. Il raconte les luttes et les espoirs de mon peuple. Quand je joue, j’ai l’impression de faire dialoguer les générations, d’inscrire chaque note dans une continuité, entre ceux qui ont joué avant moi et ceux qui joueront après. C’est aussi une manière pour moi d’affirmer mon identité, de montrer que nos traditions ne sont pas figées mais bien vivantes et capables d’évoluer.
Lamine Ba : Le kundé est un instrument emblématique du Burkina Faso, mais son histoire reste méconnue pour beaucoup. Pouvez-vous nous en dire plus sur ses origines et son évolution ?
Kalam : Le kundé trouve ses racines dans la région du Sanmatenga, et il a longtemps été associé aux rimaïbé, esclaves des Peuls, avant d’être adopté par les Mossis. Au départ, il servait surtout aux échanges amicaux, aux discussions en musique. Imaginez une époque où, au lieu d’envoyer un message vocal, on exprimait sa pensée avec une mélodie de kundé ! Mais il a aussi été rejeté par certaines autorités, notamment royales, qui le considéraient comme un instrument marginal. Heureusement, les choses ont changé, et aujourd’hui, il est reconnu comme un véritable trésor du patrimoine musical burkinabè.
Lamine Ba : Techniquement parlant, qu’est-ce qui distingue le kundé des autres instruments à cordes et qu’est-ce qui rend son jeu si particulier ?
Kalam : Le kundé est un instrument d’une simplicité apparente mais d’une richesse incroyable. Son corps en bois, ses cordes pincées, sa sonorité percussive… Tout cela lui donne une texture sonore unique. Contrairement à la guitare ou à la kora, il offre une dynamique particulière : chaque vibration porte une intention forte. Le musicien doit maîtriser à la fois la douceur et la puissance pour donner à chaque note son sens. C’est un instrument qui exige du ressenti, une vraie conversation entre le joueur et le bois, entre les doigts et les cordes.
Lamine Ba : Aujourd’hui, de nombreux musiciens s’ouvrent aux instruments traditionnels et les intègrent à de nouveaux genres. Comment voyez-vous l’avenir du kundé dans la musique moderne ?
Kalam : Je pense qu’il y a une véritable envie de revenir à l’essentiel, de redonner de la place aux instruments traditionnels. Le kundé ne doit pas être perçu comme un vestige du passé, mais comme un instrument d’avenir. J’expérimente beaucoup avec lui, en le mêlant à des sonorités jazz, afrobeat, et même électroniques. L’important, c’est de rester fidèle à son essence tout en l’adaptant aux évolutions de la musique. Je rêve d’un monde où l’on entendrait le kundé sur toutes les grandes scènes internationales, pas seulement comme un instrument folklorique, mais comme un instrument de création contemporaine.
Lamine Ba : La transmission est essentielle pour préserver ce patrimoine. Comment assurez-vous cette mission auprès des jeunes générations ?
Kalam : J’ai eu la chance d’apprendre cet instrument, et je me dois de le partager. J’organise régulièrement des ateliers où j’explique non seulement comment jouer, mais aussi pourquoi cet instrument est si important. Jouer du kundé, ce n’est pas seulement une question de technique, c’est aussi embrasser une philosophie, une manière d’être en harmonie avec son héritage. Mon souhait, c’est que chaque enfant qui entendra le son du kundé ait envie d’en savoir plus, de l’essayer, et peut-être d’en faire son compagnon de route.
Lamine Ba : Pour conclure, si un jeune artiste venait vous voir aujourd’hui et vous disait qu’il veut se lancer dans le kundé, que lui diriez-vous ?
Kalam : Je lui dirais : n’hésite pas. Prends cet instrument, apprends à l’écouter avant même de le jouer. Respecte son histoire, mais ne crains pas d’innover. Le kundé est un voyage, un dialogue avec le temps. Chaque note que tu joueras portera une mémoire, mais aussi une part de toi. Alors, joue avec sincérité et fierté, et laisse le kundé guider ta voix.
Lamine Ba : Merci Kalam pour cet échange.
Kalam : Merci à vous, et longue vie au kundé !
Articles populaires
Sur le même sujet







Commentaires
s'identifier or register to post comments