Ses racines et ses rêves - quand Joy Slam nous déclame son histoire
Après avoir animé une résidence pour une dizaine d'artistes slameurs et rappeurs à Bukavu (RD Congo), Joy Slam, de son vrai nom Gioia Kayanga, s'est produite sur la scène de la 1re édition du Festival du Rap et Slam, le 23 juillet dernier. La slameuse et rappeuse, native de la province de Namur (Belgique), aux origines burundaise et italienne, s'est confiée sur ses débuts, la découverte de sa double culture, ses premiers textes ainsi que son premier EP dans une interview exclusive pour Music In Africa.
Joy Slam, tu as plusieurs origines, entre autres italienne, belge et burundaise ; peux-tu nous en dire un peu plus....
C'est très simple... Ma maman est une métisse d'origine belge et burundaise et mon papa est mi-italien, mi-belge. Je suis née et j'ai grandi en Belgique, avec un grand-père italien et un autre burundais.
En 2012, tu as foncé tout droit dans la poésie libre. Parle-nous de tes débuts en tant que slameuse ?
J'écris depuis mes 13 ou 14 ans. J'ai commencé à faire un peu de poésie, mais je n'avais jamais osé partager cela, et surtout, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de cet art. Je ne savais pas chanter mais je ne me voyais pas non plus comme une rappeuse. Je ne voyais donc vraiment pas ce que je pouvais faire des textes que j'écrivais et je me disais qu'un jour, j'écrirais peut-être un livre...
En 2012, quand j'ai découvert Gael Faye, j'ai vu des gens dire qu'il faisait du slam et j'ai commencé à m'informer sur cette forme d'expression artistique. Je m'y suis intéressée et j'ai pris part à des rencontres Open Mic à Bruxelles, pour tenter de me lancer.
Très vite, on m'a proposé de participer à un concours et bien qu'il y avait des gens plus expérimentés que moi, j'ai gagné le concours à la surprise générale. Après ce sacre en 2013, j'ai réalisé combien mon travail plaisait aux gens. Cela m'a vraiment motivée à prendre les choses au sérieux et à travailler encore plus intensément.
« Mutama » est ton premier texte. Pour l'écrire, tu as trempé ta plume dans l'encre des souvenirs les plus intenses de ton grand-père burundais. Pourquoi lui ?
Je ne saurais vraiment le dire ; c'est juste que je suis allée au Burundi, j'ai écouté les histoires de la famille, de mon grand-père qui était mort ; tout cela m'a inspiré ce texte. J'écrivais déjà beaucoup, mais c'est le premier texte que j'ai voulu partager, pour raconter comment j'ai vécu cette expérience, car il y a beaucoup de gens qui sont issus de la diaspora comme moi et qui parfois, ne connaissent pas du tout l'Afrique et leurs pays d'origine. J'avais donc envie de raconter une histoire positive.
Même si j'aurais préféré découvrir le Burundi avec mon grand-père qui n'est plus, j'ai intensément profité du séjour et me suis rendue compte que j'y avais une famille et beaucoup de choses à découvrir.
Ce n'est pas parce qu'il est parti que l'histoire s'est achevée, bien au contraire, ce n'était que le début...
Puisque tu parles du Burundi, qu'est-ce que ce pays représente maintenant pour toi ?
Le Burundi est très important pour moi ! Quand j'étais en Belgique, je ne me sentais pas tout à fait à ma place dans la culture belge et avec certains aspects de la mentalité européenne.
Ma famille en Belgique était aussi très petite et quand je suis allée au Burundi, j'ai découvert une culture complètement différente. C'était comme si j'avais retrouvé une partie de moi-même en allant là-bas; un peu comme si je trouvais enfin les pièces manquantes du puzzle et que je comblais un manque que j'avais longtemps ressenti. Sur le plan artistique, cela aussi m'a fait évoluer. J'ai vraiment beaucoup travaillé avec les chanteurs et danseurs de la région des grands lacs en général, parce que je ne me suis pas seulement limitée au Burundi. Je suis aussi allée à Goma et ici à Bukavu...
Cela a été un enrichissement artistique car les artistes rencontrés m'ont communiqué une autre façon de sentir les choses, une nouvelle énergie et même une perception différente de l'art. J'ai aussi essayé, pour ma part, de transmettre les leçons apprises pendant mon parcours et l'expérience glanée dans les résidences et session de coaching.
En 2016, tu te retrouves à Antananarivo, la capitale malgache, aux côtés de deux autres slameurs : Caylah et Yao. Vous avez prestez notamment devant des chefs d’Etats. Comment as-tu vécu cette expérience ?
Ce fut un grand changement dans ma carrière, parce que c'est à partir de ce moment-là que ma notoriété s'est accrue en Afrique.
II y a énormément de personnes qui m'ont découvert grâce à ces vidéos. Même aujourd’hui, quand les gens me rencontrent à l'étranger, beaucoup me confient qu'ils m'ont découverte lors cet événement. Ça a été une opportunité incroyable, une chance énorme de me produire là-bas. Je ne savais pas que c'était suivi dans beaucoup de pays à travers le monde.
Tu as maintenant plus d'une décennie de carrière à ton actif ; quels sont les obstacles rencontrés et comment les as-tu surmonté ?
Il y en a beaucoup mais je vais juste en citer quelques-uns. Déjà, le slam n'est pas vraiment commercial donc, nous sommes bien souvent obligés de tout faire nous-mêmes, faute de promoteurs. De plus, quand on se déclare slameur, on n'intéresse pas vraiment les programmateurs de festivals ; en tout cas en Belgique où j'évolue, c'est assez compliqué.
L'autre obstacle rencontré, c’est simplement celui d'être femme ! Il faut dire qu'à la base, le slam était un milieu dominé par les hommes. Maintenant, cela commence à changer, quoique le machisme règne encore, avec toute sa grossièreté. Des fois, tu as des gens qui te contactent, prétendument pour un motif professionnel, alors qu'ils ont de mauvaises intentions derrière la tête.
Cette situation décourage beaucoup de femmes dans le milieu ; elles sont légion à subir des agissements abusifs de producteurs, musiciens ou programmateurs d'événements.
Tu es plus ambitieuse qu'on ne peut le penser. Tu as envie de t'essayer au théâtre et même à la danse. Où comptes-tu t’arrêter ?
J'aime bien combiner avec d'autres disciplines et c'est le conseil que je donne à ceux qui participent à mes ateliers. Il ne faut pas que se limiter au slam et rester entre slameurs.
C'est bien plus intéressant, je trouve, d'aller travailler avec des chorégraphes, expérimenter des rencontres avec d'autres créatifs, notamment les artistes visuels...
Me concernant, oui, je m'intéresse aussi au théâtre, sans doute un jour j'écrirai une pièce. Je travaille aussi sur un roman. J'ai vraiment envie de toucher au maximum de choses possibles, car si je me limite au slam, au bout d'un moment, je risque de me lasser.
Joy Band est le nom de ton premier EP. Que voulais-tu transmettre à ton public à travers les 4 titres qu'il contient ?
Je voulais juste faire danser les gens avec mes morceaux, les plonger dans l'ambiance d'un festival où tout le monde est debout. Je voulais produire des titres rythmés sur Joy Band car mon répertoire comptait déjà beaucoup de morceaux dans un style plutôt classique.
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