Cap-Vert : la musique priorité nationale
Pays à revenu intermédiaire depuis 2007, le Cap-Vert a été dynamisé par le succès planétaire de Cesaria Évora et a fait de la musique une priorité nationale. Professionnels et politiques ont ces dernières années développé ce secteur souvent peu aidé en Afrique.
Très présente dans tout l’archipel, la musique est au cœur de la vie des Capverdiens. On dit dans l’archipel que c’est un des pays au monde où il y a le plus de musiciens au kilomètre carré.
Omniprésente, la musique vit d’abord à travers les bals animés par les groupes amateurs qui jouent de la morna, de la coladeira et du funana, à l’aide de cuivres, de cavaquinos (petites guitares capverdiennes), de pandeiros (percussions) et d’accordéon. À partir des années 1950, ces musiques sont relayées par les radios naissantes, comme Radio Club Mindelo et Radio Barlovento.
La production a été longtemps absente de l’archipel et, les premiers artistes sont produits à l’étranger comme le chanteur Pedro Morais qui enregistre son premier 78 tours de morna en 1950 en Argentine et la chanteuse Titina qui signe son premier 45 tours Standinha en 1953 à Lisbonne.
Dans l’archipel, ce sont d’abord des maisons de commerce, vendant des tissus et du matériel électroménager comme la Casa Leao, qui se lancent dans la production signant notamment les premières œuvres de Titina et de Bana.
À partir des années 1960/1970, beaucoup de musiciens s’exilent à Dakar, aux USA (New Bedford, Massachusetts), à Lisbonne (Portugal) et à Rotterdam (Pays-Bas) et sont enregistrés à l’étranger.
La diaspora ouvre des boîtes de nuit où se produisent les artistes comme le Rabanbera à Rotterdam (Pays-Bas) ou le Monte Cara à Lisbonne (Portugal) et crée des maisons de disque comme Morabeza Records fondée par Carlos Martin qui produira le groupe Voz Di Cabo Verde.
Il sera suivi dans les années 1990 par des musiciens et des compatriotes (Espace music Tropica et Cap-Vert Music basés à Paris (France) sans oublier Lusafrica fondé par Jose Da Silva, le producteur de Cesaria Évora), MB productions des Mendes Brothers aux USA qui élargissent leurs activités et organisent aujourd’hui la promotion et les tournées internationales d’artistes avec leur structure MB Artist Management.
De nombreux groupes se forment ainsi dans les capitales européennes comme le Cabo Verde Show formé à Paris (France) dans les années 1980 qui accueille la célébrissime Cesaria Évora.
Depuis le succès planétaire de la diva aux pieds nus, la musique est devenue une priorité nationale et de nombreux musiciens de la diaspora sont revenus au pays ouvrir un studio ou un club. Un des principaux labels basé à Praia est aujourd’hui Harmonia fondé en 1998 : il a produit des artistes comme Ferro Gaita, Cesaria Évora, Lura, Elida Almeida.
En 2012, le gouvernement capverdien s’est lancé dans une politique d’encouragement de l’industrie musicale. C’est devenu une priorité, nationale expliquait le ministre de la Culture, M. Mario Lucio Sousa. Si le pays investit dans l’économie de la création, c’est parce que l’immatériel revêt une valeur particulière.
Parmi ces mesures, la plus emblématique est la mise en place d’une banque de la culture, un établissement de microcrédit – pour aider les créateurs et les petits entrepreneurs de l’archipel à accéder au financement. Il s’agit d’une sorte de fonds de garantie qui permet au petit entrepreneur de s’adresser directement à la banque pour lui soumettre un projet qui sera évalué en fonction de sa valeur immatérielle. Les petites entreprises peuvent imprimer un nouvel élan à l’économie nationale, ce qui pousse à attribuer des ressources directement aux individus capables d’innover. Encourageant ainsi tous les types d’innovation.
La seconde mesure est l’établissement de réseaux entre les iles, réseaux de musées, de lieux et de festivals pour faciliter la promotion de la culture auprès des touristes. Par l’intermédiaire de ces réseaux, ils travaillent avec de petites communautés et leur donnent les ressources nécessaires et la possibilité de tirer leurs propres revenus de la culture. La culture fut l’un des fondements du commerce et des échanges dans le monde et elle demeure un socle majeur de développement, raison pour laquelle elle est au cœur des efforts déployés par le Cap-Vert pour parvenir à un développement durable.
Cet environnement favorable a vu l’éclosion de nombreuses initiatives comme l’apparition de festivals (le kriol jazz festival), d’un concours national, Cabo Verde music Awards et la création sous l’impulsion de Jose Da Silva et de sa fille Elodie, d’un salon professionnel, Atlantic Music Expo. Cette initiative qui a drainé en 2018 350 professionnels venus de 30 pays a pourtant vu le désengagement récent de l’État.
Pour sauver une des initiatives les plus encourageantes pour l’ensemble de l’industrie musicale du pays, les artistes n’ont pas baissé les bras : ils se sont mobilisés et ont créé une association visant à soutenir l’initiative. La réduction de moitié du budget du festival a été très dur pour le directeur de l’association, Augusto Veiga, le gouvernement a simplement changé un peu la philosophie et les fonds sont essentiellement privés maintenant. L’État maintient néanmoins une présence très engagée, à travers une participation importante du fonds de tourisme.
Sources :
Livres : Les grandes figures des musiques urbaines africaines , Edition Afriques en Création, 1993, par Sylvie Clerfeuille et Nago Seck
Les musique du Cap-Vert de Vladimir Monteiro , Editions Chandeigne, 1998
Articles : Catalyser la créativité au Cap-Vert, Septembre 2013, OMPI Magazine https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2013/05/article_0003.html
Cap-Vert, 11 Mai 2007, Afrisson.com : https://www.afrisson.com/Cap-Vert-1591.html
Cap-Vert : l’Atlantic Music Expo est bien lancé, RFI, 17/4/2018, http://www.rfi.fr/afrique/20180417-cap-vert-atlantic-music-expo-bel-bien...
Interview : Teofilo Chantre
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Édité par Lamine BA
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