Afrobeat, afrobeats : un « s » qui change tout
Quand il faut définir le style musical pratiqué aujourd’hui par des artistes comme Davido, Yemi Alade ou encore Wizkid, d’aucuns emploient le mot « afrobeat », tandis que d’autres parlent d’« afrobeats ». Pourtant, les deux concepts homophones sont à distinguer.
Pour vous aider à les reconnaître et à mieux les placer dans leurs contextes, nous vous proposons une petite analyse historique.
Contexte d’émergence de l’afrobeat
Pour parler d’afrobeat, il faut nécessairement faire un tour dans le Nigeria des années 70, à la rencontre d’une figure emblématique : Fela Kuti !
Alors que le pays sort de la guerre sanglante du Biafra (1967 – 1970) et que son économie connaît un boom avec l’exploitation du pétrole, le régime autoritaire alors aux commandes, met en place un système de corruption avantageant les puissantes multinationales au détriment d’un peuple abandonné à son triste sort.
Le Black President (surnom que l’on attribuait à Fela) décide de se lever contre cette injustice. À la place des machettes et mitraillettes utilisées peu avant par les insurgés du Biafra, il choisit le saxophone et la batterie comme symboles de son engagement.
Aidé par des musiciens talentueux dont le batteur nigérian Tony Allen, récemment disparu, Fela créa un alliage de funk, de jazz et de rythmes traditionnels yoruba, qu’il mit au cœur de son combat. Ce style musical à l’ADN militant fut alors baptisé afrobeat !
Le style est très peu pratiqué aujourd'hui, si ce n'est par Femi Kuti, fils de Fela, qui préserve l'héritage.
Qu'est-ce que l'afrobeats ?
Quand le nom « afrobeat » est employé sous sa forme plurielle, soit « afrobeats », il renvoie à une tout autre tendance.
En effet l’afrobeats qui a également émergé au Nigeria au début des années 2000, correspond à une musique pop contemporaine qui s’est construite en s’appuyant sur des rythmes locaux ouest-africains comme le hiplife, la musique Jùjú ou encore le highlife. La forme plurielle indique qu’il y a une grande diversité d’afrobeats, selon le pays où l’on se trouve et les différentes influences.
L'afrobeats n'est pas spécialement engagé ; il traite le plus souvent d’amour, avec des clips à l’eau de rose.
Difficile d’attribuer la paternité de ce style à un seul artiste comme ce serait le cas pour l’afrobeat et Fela Kuti. Mais beaucoup disent que le premier à avoir employé le terme est le DJ londonien Abrantee.
L'afrobeats a été propulsé au top des charts mondiaux par des artistes comme P-Square et 2Face Idibia.
Différence au niveau de l’instrumentation
Comme beaucoup d’autres styles des années 70, l’afrobeat de Fela Kuti repose sur une instrumentation complexe avec du cuivre et des percussions africaines. C’est une musique essentiellement acoustique, conçue en soi pour être jouée par un orchestre.
L'afrobeats est quant à lui produit le plus souvent par un beatmaker, à la façon des morceaux hip hop modernes. Il est élaboré grâce à des outils électroniques, notamment des séquenceurs, des claviers maîtres et sampleurs live, pour obtenir des sons quasi parfaits, qu’il n’est pas toujours évident de reproduire en live.
Toutefois, que l'on soit dans de l'afrobeat ou l'afrobeats, on a toujours une une musique rythmée à 4 temps, qui devrait plaire à ceux qui aiment les sonorités du continent.
Quelques variantes de l'afrobeats
On a dit plus haut que l'afrobeats prend une forme plurielle à cause de la multiplicité de ses influences. Quand on est au Sénégal par exemple, on peut découvrir une variante intéressante de ce style qui s'appelle le jolofbeats. Il est pratiqué par des artistes comme le couple Maabo ou encore le talentueux Bril, qui proposent une musique pop embellie par les vibrations du mbalakh, un rythme local.
Plus loin au centre de l'Afrique, plus précisément au Congo, le prodigieux Innoss'B fait un carton avec son afro-congo, qui est une musique originale qui allie la pop à des airs de ndombolo, une musique locale ; illustration avec le vibant « Yo P ».
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