Sabel Dieng : « Quand il faut défendre les droits des femmes, je m'engage vraiment »
Révélée au grand public en 2018, grâce à son titre « Ndiokeul Goor », Sabel Dieng est une des nouvelles voix de la scène musicale sénégalaise. Dans cette longue interview accordée à Music In Africa, la fille du regretté chanteur Ndiouga Dieng de l'Orchestra Baobab, se dévoile pour nos lecteurs.
Comment avez-vous vécu la période de confinement en tant qu'artiste ?
Comme tous mes collègues, j'ai vécu une situation très difficile, car nous faisons partie du secteur qui a sans doute été le plus affecté par les conséquences néfastes de cette pandémie. Interdiction des manifestations culturelles de grande envergure, fermeture des salles de specacles et lieux de divertissement, et avec la distanciation sociale, l'impossibilité pour nous d'aller à la rencontre de nos fans. Au final, tout notre planning a chamboulé cette saison.
Comment vous occupiez-vous ?
Il faut dire que ce temps m'a permis de retrouver une vie de famille que j'avais quelque peu perdu. Comme nous sommes une famille de musiciens, je pouvais rester des jours sans voir les miens, car nous avions tous un emploi du temps lourdement chargé. Pendant la période d'isolement, j'ai également passé du temps au studio, à composer de nouvelles chansons.
Votre famille était déjà bien connue dans le monde de la musique au Sénégal, mais vous avez réussi à tracer votre propre itinéraire. Comment ce parcours a-t-il débuté ?
Après mes journées de travail dans une société de Dakar (Sénégal), j'allais assister aux répétitions du groupe de l'un de mes frères, Pama Dieng. À côté, je poussais la chansonette et les membres de la formation m'ont vite remarquée. Dans un premier temps, ils m'ont proposé d'assurer les choeurs sur leurs interpratations, mais au final, ils m'ont admise dans le groupe. C'est ainsi que tout a commencé ; la suite de l'histoire, vous la connaissez...
Comment ça se passe à la maison quand tout le monde est musicien ou chanteur ?
La musique est un vrai héritage chez moi. Ma grand-mère était une excellente cantatrice, papa, mes oncles et tantes se sont tous adonnés au 4e art eux-aussi. C'est dans cette ambiance que mes frères et moi sommes nés, et nous avons tout naturellement suivi la tendance.
Chez nous, la musique est une chose que nous partageons au quotidien ; ça joue et ça chante incessamment, pour le plus grand bonheur de tous !
Feu votre père Ndiouga Dieng a été un grand nom de la scène nationale, vous a-t-il encouragée dans cette voie de son vivant ?
Non, comme beaucoup de parents, papa a toujours voulu que l'on privilégie nos études ; il tenait beaucoup à notre cursus scolaire. Je me suis plus concentrée sur mes études et j'ai eu un parcours académique complet. Après des formations supérieures réussies au Maroc, je suis revenu au Sénégal pour une carrière d'assistante de direction dans une société de la place. Ce n'est qu'après tout cela que je me suis lancée dans une carrière musicale, dans les conditions que je vous ai expliquées précédemment.
Comment vous a-t-il influencée dans votre musique ? Quel souvenir gardez-vous de lui ?
Mon père chantait sur tous les genres de musique. J'ai appris de lui qu'il ne faut surtout pas s'enfermer dans un style, mais toujours s'ouvrir et expérimenter de nouvelles choses. Aujourd'hui, je jongle moi aussi sur tous ces registres qu'il aimait explorer. Puisque l'on ne saurait dissocier l'homme de l'artiste, je me souviens aussi de la personne humble qu'il était et qui m'a toujours fascinée.
Qu'aimeriez-vous que l'on retienne de lui ?
J'aimerais vraiment que le monde se souvienne de son image et de son génie qui vont de pair. Papa était un homme soigné et respectable, avec un talent indéniable qui lui a permis de parcourir les scènes du monde. Pour sa simplicité et son savoir-faire, il mériterait vraiment de rester vivant dans nos mémoires.
À votre avis, qui d'entre vous s'approche-t-il plus de lui artistiquement ? Qui est son plus grand héritier musical dans la famille ?
Moi (rires) ! Plus sérieusement, je pense qu'Alpha Dieng, notre aîné, est celui qui a le plus hérité de papa. À mon avis, il est simplement le meilleur. Il sent la musique et la vit avec une grande passion, et ses créations sont vraiment séduisantes. En tant que sa collègue artiste, je suis sincèrement subjuguée par son travail.
On remarque que votre registre c'est plutôt le mbalakh. Peut-on s'attendre à vous voir dans d'autres styles musicaux actuellement en vogue au Sénégal comme le jolofbeats que la jeune génération adore ?
Bien sûr ! Le mbalakh m'a permise de me rapprocher d'une partie du public sénégalais qui en raffole, mais comme je vous disais déjà, j'accorde à l'instar de mon père, un grand intérêt à toutes les tendances musicales. Innover, sortir de ma zone de confort, oser, ce sont des choses que j'aime faire dans ma musique. Bientôt, vous me retrouverez sur d'autres régistres avec l'album que je prépare en ce moment. Je n'en dirai pas plus...
Votre premier single « Ndioukeul Sa Goor » (Rendre hommage à son homme) a été un tube national. Vous attendiez-vous à tel un succès ?
Pas spécialement ! Comme tout début, on se lance timidement en espérant avoir quelques fans, mais quand l'oeuvre sort et que ça fait boum, on ne peut qu'être surpris. e ne pouvais pas parier sur un tel succès pour ce single, mais je l'ai fait ! J'en ai été très emmerveillée et cela m'a rassuré dans l'idée de m'engager pleinement dans la musique.
Est-ce que votre succès est dû au fait que vous développez des idées loin du féminisme ambiant et que la population accepte plus ce genre de message consensuel qui fait la part belle à l'homme ?
Le fait est que chez nous, culturellement, l'homme occupe une place très importante dans la vie d'une femme. En tant qu'artiste et porteuse de voix dans ma société, je n'ai fait que peindre cette réalité que les femmes ont retrouvé et apprécié dans ma chanson.
Pour le reste, je ne rabaisse aucunement la femme, au contraire, je la célèbre et je montre ce qu'il y a de plus admirable en elle.
Êtes-vous féministe ?
Oui quand il faut défendre les droits des femmes, je m'engage vraiment ! C'est vrai que cette dimension ne se ressent pas encore beaucoup dans mon art, mais il faut rappeler que je viens tout juste de débuter ma carrière musicale et j'ai encore beaucoup de choses à montrer. J'ai composé quelques chansons qui traitent du statut de la femme et que les gens écoutent déjà.
Je me sens pleinement concernée par tous les défis que nous les femmes devons relever aujourd'hui et je milite fermement pour le respect de nos droits.
Vos compositions évoquent souvent l’amour, le mariage, la déception, les ruptures douloureuses. Est-ce que ce sont des histoires personnelles ?
Non, je suis plus inspirée par les histoires de mon entourage. Autour de moi, beaucoup de gens vivent des choses souvent heureuses ou parfois très tristes. Je suis sensible à tout ce qui se passe autour de moi et mon ressenti, je l'exprime à travers mes créations.
Vous avez très peu communiqué lors de vos dernières sorties, pourquoi ? Qu'est-ce qui explique le succès timide de votre dernier single ?
Mon dernier single est sorti juste deux jours avant que la pandémie n'atteigne notre pays. Avec la panique générale installée par le virus, personne n'avait plus vraiment la tête à la musique. Ce fait a grandement faussé la promotion de l'oeuvre et je me suis finalement résignée face à la situation. Disons donc que ce succès timide et une des résultantes de cette grande crise sanitaire dont nous nous souviendrons longtemps...
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Sur mes prochaines sorties qui ne vont pas tarder ! Comme je vous l'ai dit plus haut, je prépare un album aux influences et tendances musicales multiples. Cela devrait être disponible très prochainement et j'espère vraiment que mon public appréciera.
Votre mot de la fin ?
Je tiens simplement à remercier la Fondation Music In Africa pour le formidable travail qu'elle accomplit sur le continent, en soutenant les artistes de plusieurs manières et en assurant leur promotion à l'échelle continentale et mondiale finalement.
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