L'industrie du disque au Tchad
Le secteur culturel tchadien est l’un des secteurs le moins soutenu et promu par les pouvoirs publics. Les actions de développement envers ce secteur sont très peu visibles et presque toutes les filières du secteur culturel souffrent du manque de dispositifs d’accompagnement et de soutien.
La filière de la musique au Tchad de 1960-1980
En outre, la faible structuration de la filière du disque est également un élément additif qui amoindrit la force de l’industrie musicale au Tchad. Historiquement, la filière musicale au Tchad a connu un bref moment de célébrité sur le plan national, surtout dans les années 1960-1980 et le début des années 1990. Cependant, la période la plus marquante pour cette filière a été sous le pouvoir du premier Président, Ngarta Tombalbaye.
Le premier groupe pionnier de la musique tchadienne était l’orchestre Star Jazz qui par la suite deviendra Chari Jazz, nom donné par le président Tombalbaye. Chari Jazz fut consacré orchestre national pendant cette période. Après cela, il y a eu un temps de relâchement sur la scène musicale tchadienne, surtout entre fin 1990 et les années 2000.
Il y a eu quelques groupes de musique et musiciens qui ont incarné la scène musicale nationale au Tchad. Nous pouvons citer le Chari Jazz, Africa Mélodie, Mama Eldjima, Abakar Chikito, Pécos Ahmad, Moussa Chauffeur, le groupe Tibesti, Clément Masdongar, Chalal International de Maitre Gazonga, Dounia Danpeuret, Talino Manu étaient entre autres les portes flambeaux de la scène musicale tchadienne de la période de 1960 à 1990. C’est plus précisément, dans les années 80 que quelques albums ont vu le jour sur le marché du disque tchadien. Avec le recul, on s’aperçoit du vide et de la carence de répertoire discographique de la musique tchadienne.
Nouvelles perspectives de la musique au Tchad
Aujourd’hui, une nouvelle émulation germe au sein de la filière musicale tchadienne. Cette dernière est boostée par les artistes et les initiatives d’opérateurs culturels tchadiens qui créent des festivals de musique et des plateformes de rencontres et d’échanges. Ils inventent des circuits de diffusion, de production et de promotion des œuvres musicales et sont souvent les producteurs et promoteurs de leurs propres œuvres. Cependant, comment fonctionne l’industrie du disque au Tchad ? Quels sont les acteurs ? Existe-t-il des tendances musicales, des circuits de vente et de promotion ?
Il faut reconnaître que l’industrie du disque au Tchad est embryonnaire. Outre l’inexistence des différents maillons de la chaine de valeur, elle ne fonctionne pas convenablement en raison de la faible organisation de la filière et des acteurs, ce qui constitue un obstacle aussi bien pour les artistes que pour l’industrie du disque.
À l'exception de quelques studios d’enregistrement comme le Studio Electron Tchad, studio D&G etc. Les autres composantes de la chaine tardent à se mettre en place. Notons que jusqu’à preuve du contraire, les premiers disques enregistrés au Tchad, à l’exception des enregistrements sonores de l’époque coloniale, sont les albums enregistrés à l’extérieur du pays. A titre d’exemple, l’album « les Jaloux Saboteurs » a été enregistré initialement en 1984 par Maître Gazonga dans les studios de JBZ Recording à Abidjan (Côte d’Ivoire).
De même que l’album « Mariam » de Clément Masdongara été enregistré à Kilimandjaro International Records - Washington DC/Paris. En effet, les artistes sont obligés de se rendre dans les pays voisins comme le Cameroun, le Nigéria et certains vont même en France, au Burkina Faso ou en Côte d’ivoire.
« L’enthousiasme et la rage de réussite de Pyramydes sont pénalisés par la précarité de l’industrie musicale. Et pourtant le pays compte des centaines de groupes de rap, de world ou de tendance africaine. Mais il y a seulement deux studios pour l’ensemble du territoire : celui du Père Fabricio à Sar, au sud et Electron Tchad à N’Djamena. Les salles de concerts ne courent pas les rues non plus.
En plus, tous ces lieux demeurent concentrés à la capitale ». Dans cet article, Solo Soro décrit bien les conditions de l’industrie musicale au Tchad. Mais, aujourd’hui nous observons quelques améliorations importantes telles la prolifération de studios d’enregistrement, des maisons de production, des festivals de musique (traditionnelle et moderne) et la rénovation des maisons de la culture qui, désormais, constituent un espace d’expression supplémentaire. Cependant, la recherche de l’innovation et le mythe de l’étranger poussent encore les artistes à aller vers d’autres horizons.
Les maisons de disque au Tchad
« L’émergence des studios d’enregistrement à partir de 2000 apparaît comme un indicateur important en ce sens qu’elle révèle une étape dans le processus d’émergence d’une scène musicale à N’Djamena. Actuellement, il est difficile de connaître avec précision le nombre de ces studios, car de nombreux propriétaires de ces établissements, par crainte de payer des taxes, travaillent cachés chez eux. »
En dehors de ces problèmes d’ordre optionnel, il apparait également que « le Tchad ne dispose d’aucune société de reproduction mécanique de cassettes ou de CDs. Les artistes se tournent vers le Cameroun voisin ou vont au Nigéria. Ce qui implique des coûts supplémentaires de douane».
Cette situation reste inchangée si l’on se réfère aux albums récents des artistes comme : Didier Lalaye (Croquemort), Célestin Mawndoé, Papa Terra, Sultan, Degospa Franck, le feu Diégo Maestro du groupe Tibesti, qui sont en partie ou entièrement enregistrés entre le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou la France.
« Nous tenons grâce à notre détermination, nos amitiés personnelles et au soutien du Service Culturel de l’Ambassade de France. Sans sponsors, nous organisons nos spectacles, nos tournées et assurons une bonne partie de notre distribution nous-mêmes. C’est à ce prix que nous avons produit, en 2004, Soleil d’Afrique, notre premier album qui occupe la tête du hit-parade des radios nationales ».Ces propos remplis de vitalité et d’espoir du groupe Pyramide témoignent fortement du fonctionnement de l’industrie du disque au Tchad.
Longtemps, les artistes tchadiens sont producteurs, distributeurs et promoteurs, c’est-à-dire moteur de l’industrie du disque au Tchad. Aujourd’hui, quelques particuliers ou des amis proches d’artistes mettent en place des maisons de production et des studios d’enregistrement à travers le pays. L’intervention constante des téléphones mobiles ouvrent quelques opportunités même si cette intervention n’est pas bien canalisée.
Variété et plateforme de diffusion de la musique
Les attenances de musique dans l’environnement tchadien sont très diverses (de rap, du Salm, de world ou de tendance africaine). Le Tchad a trois connexions avec les autres parties de l’Afrique. Il partage les frontières avec le Nigéria et le Niger (Afrique de l’Ouest), le Cameroun et la Centrafrique (Afrique Centrale), la Lybie et le Soudan (Afrique du Nord), donc, il est à cheval entre plusieurs influences culturelles.
Les musiques et les rythmes sont influencés par cette diversité. Cependant, la musique moderne subit fortement l’influence de la musique soudanaise et congolaise. Congolaise parce que le Chari Jazz, Africa Mélodie, Maitre Gazonga et d’autres n’ont pas résisté à la force de la rumba congolaise. Mais, aujourd’hui, nous avons des artistes avec des styles et rythmes inspirés par le répertoire tchadien.
II n’existe pas véritablement un circuit de vente de productions. Par contre, il y a des plateformes d’expression comme le Festival de Musique N’djamvi, Espace Fest’Africa, le Royaume culturel de Soubyanna, le Temple de Chari Jazz, l’Institut Français du Tchad, la Maison de Quartier de Chagoua, le Centre Don Bosco, l’Espace Talino Manu de Moursal et le Festival Neige au Sahel.
Il y a notamment les maisons de la culture qui forment un petit circuit de diffusion. La production d’albums est confrontée à la question historique de la piraterie et maintenant l’internet et le numérique. En guise de conclusion, hormis le dilemme que rencontre le Bureau Tchadien de Droit d’Auteurs, il reste encore à faire pour une bonne marche de l’industrie du disque au Tchad.
Référence: Afrisson: www.afrisson.com « L’émergence d’une scène musicale à N’Ndjamena. Identification des acteurs et des territoires », Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, soutenue le 26 mai 2014 à l’Université d’Avignon par KilaRoskem Jean-Pierre « Les Pyramides du Tchad, l'aventure éphémère » de Solo Soro/: http://www.rfimusique.com/
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