Entretien avec Yvon Laurier Ngombe, Docteur en droit
Originaire du Congo-Brazzaville, Yvon Laurier Ngombe est titulaire d’un Doctorat en Droit obtenu en 2000 à la Faculté de Droit de Nantes. Sa thèse portait sur le droit d’auteur français et le copyright américain.
Avocat à la Cour d’appel de Paris, il intervient en tant qu’enseignant au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers) en Île de France et au Pôle Paris Alternance (Ecole de Commerce et de Management en Alternance), Paris, France. Il enseigne le droit des contrats, le droit de la propriété intellectuelle et le droit du numérique.
Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Le droit d’auteur en Afrique (paru chez L'Harmattan, et dont la troisième édition est en cours) et de plusieurs articles de droit comparé de la propriété littéraire et artistique dans des revues françaises et étrangères.
Dans cet entretien, il explique quelques notions de droit d'auteur et donne son avis sur les sociétés de gestion collective en Afrique.
Que ce que l'on peut comprendre par droit d'auteur?
On peut en simplifiant, dire que le droit d’auteur est un ensemble de règles prévoyant la protection de créations originales, au profit de l’auteur (et des auxiliaires de la création), en lui reconnaissant un droit de propriété intellectuelle.
Quel est le rôle principal d'une société de gestion collective?
Dans l’exercice de ses droits, l’auteur ou celui à qui l’auteur a cédé ses droits peut choisir la gestion individuelle ou la gestion collective. Dans la seconde hypothèse, il confie la gestion à un organisme de gestion collective. Parfois, pour certains droits, il peut être prévu une gestion collective obligatoire.
Les sociétés ou organismes de gestion collective ont pour fonction de collecter les droits auprès des utilisateurs (bars, night-clubs, radios, télévisions, etc.)
Pourquoi certains artistes africains déclarent leurs œuvres ailleurs (le plus souvent en Europe) qu'en Afrique?
La principale raison est que plusieurs artistes africains ont constaté un fonctionnement plus rigoureux en Europe où les problèmes de collecte et de répartition sont extrêmement rares. Or, une gestion collective efficace contribue à faire vivre l’artiste de son art.
Théoriquement, les grandes stars devraient percevoir des droits d’auteur conséquents. Il semblerait que tel n’est pas le cas dans certains pays africains.
Quelles sont, selon vous les raisons pour lesquelles des sociétés de gestion collective en Afrique ne reversent pas aux artistes leurs droits?
A mon humble avis, il y a trois principales raisons. D’abord, ces sociétés ont beaucoup de difficultés à collecter les droits d’auteurs auprès des différents utilisateurs. Ensuite il y a un problème de formation. Et enfin, il y a un déficit d’information. Nombreux sont les acteurs (artistes, utilisateurs) qui ne sont pas informés de l’existence et de l’intérêt de la question.
Vous êtes originaire du Congo-Brazzaville. Comment jugez-vous les actions du BCDA (Bureau congolais des droits d’auteurs)?
En tant que natif du Congo-Brazzaville, j’ai sur le BCDA un regard mitigé. Il est assez courant de porter un regard négatif sur les institutions africaines. C’est un réflexe parfois convenu et trop facile. De ce que j’observe, il s’agit d’un organisme qui accomplit tant bien que mal sa mission mais qui se heurte beaucoup à l’incompréhension des utilisateurs.
Il ne faut pas oublier qu’on a déjà eu à déplorer des situations préoccupantes dans certains pays et qu’en comparaison, le BCDA ne s’en sort pas si mal. Il y a toutefois beaucoup de progrès à faire. Il faut aussi bien des politiques volontaristes qu’un effort collectif pour l’émergence d’une véritable culture du droit d’auteur.
Quels sont les mesures que doivent prendre les gouvernements africains pour permettre aux artistes de percevoir régulièrement les droits d'auteur?
Le chantier me paraît important. Je pense qu’il faut renforcer les capacités des sociétés de gestion collective en envisageant l’amélioration des compétences du personnel et en donnant les moyens matériels à ce personnel. Il peut aussi être utile de communiquer davantage sur le sujet, sans oublier de rendre effectif l’arsenal répressif.
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