Mali : conséquences du conflit sur l'industrie musicale
Le Mali a connu en 2012, un conflit armé dans les régions du nord et une partie de la région de Mopti, suivi d’une crise politique, institutionnelle et sécuritaire qui a fragilisé le pays dans tous les domaines d’activité. Le secteur de la culture en général et celui de la musique en particulier a été profondément touché par cette crise multidimensionnelle.
Les djihadistes, dès leur invasion du nord du pays ont interdit la musique et autres manifestations culturelles dans les localités qui étaient sous leur domination. Ce fut le cas particulièrement de la ville de Gao. En outre, l’instauration par les autorités de mesures successives d’état d’urgence, a entraîné la psychose chez les acteurs du show business et a impacté négativement sur l’organisation d’évènements culturels.
On peut citer, entre autres, l’annulation le 28 janvier dernier du Festival au Désert de Tombouctou. Considéré comme l’un des événements culturels majeurs en Afrique, le festival célèbre depuis 2001 la culture saharienne en générale, et malienne en particulier, accueillant dans le désert de Tombouctou ses nombreux invités sahélo-sahariens et des touristes occidentaux. Des visiteurs, dont le nombre ne cesse de baisser ces dernières années. Selon la banque mondiale, le nombre de touristes européens est passé de 142 000 en 2013 à 71 371 en 2014 et 37 500 en 2015.
Quant à l’organisation de la biennale artistique et culturelle, elle est renvoyée aux calendes grecques. L’édition spéciale de cette importante manifestation qui devait se tenir du 25 au 1er avril 2017, a été reportée pour la seconde fois. Raison évoquée : la tenue de la conférence d’entente organisée du 25 au 2er avril 2017. À Sikasso, la dernière biennale artistique et culturelle date de 2010.
Impacts sur l’industrie musicale
Le secteur de la production musicale, déjà lourdement affecté avant la guerre par la piraterie et la numérisation, subit aussi de plein fouet la crise. Les sorties majeures d’albums sont rares, constate Youssouf Doumbia, journaliste au quotidien national l’Essor. En 2017, seule Oumou Sangaré, la diva de Wassoulou, a mis sur le marché l’album Mogoya.
« Le jeune Sidiki Diabaté est aujourd’hui avec les rappeurs ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Ils ne se privent pas à l’occasion de critiquer la gestion politique de la crise par les autorités maliennes. Dans les deux cas, ils sont prolifiques et plébiscités au Mali et dans les pays voisins », souligne Doumbia.
Parmi ces rappeurs on peut citer, Mylmo, Master Soumy et Tal B. Ces jeunes musiciens ont décidé de donner de la voix et de dénoncer les errements du pouvoir en place.
Ainsi sur son titre « Yabé-2012 », Mylmo démontre comment les Maliens ont été foncièrement déçus par le président d’IBK qui leur avait pourtant promis une nation digne et honorable, un État fort et responsable.
Quant à Master Soumy, un autre rappeur très engagé, il dénonce dans son single « Toukoutoukou Bari Bari » la mauvaise gouvernance, avec en toile de fond les changements à répétition, de gouvernement.
Le souci de la relance
Face à cette situation, des actions sont entreprises par les promoteurs de spectacles, les musiciens, les autorités pour sortir la musique malienne de sa léthargie. Parmi ces actions on peut citer la tenue, du Festival sur le Niger à Ségou, du 1er au 05 février 2017 malgré le contexte sécuritaire difficile.
Ce festival a pu se tenir, car les organisateurs ont l’avantage de disposer d’infrastructures culturelles et de sites d’hébergement, ce qui leur permet d’avoir une programmation soutenue. Malgré ces points forts, la taille de la manifestation a été réduite. Les artistes internationaux n’étaient pas présents en 2017.
La fréquence des concerts a baissé, le site est délocalisé et la psychose n‘est pas absente des esprits. « Notre festival a pu résister mais, la situation est pire pour d’autres événements culturels. En un mot, la crise sécuritaire n’a épargné aucune activité culturelle dans le nord comme dans le sud » soutient Mamou Daffé, l’organisateur du festival sur le Niger.
Des musiciens en première ligne
Toumani Diabaté, le célèbre joueur de la Kora, essaie lui aussi de donner un nouveau souffle à la musique de son pays. En témoigne, l’organisation de la 2e édition du Festival Acoustik Bamako (FAB) à l’Institut Français du Mali ( IFM) du 24 au 29 janvier 2017. Organisé par Diabateba Music en collaboration avec l’IFM, ce rendez-vous musical, fait partie d’un programme plus large d’activités qui vise à promouvoir le Mali, sa musique et ses musiciens sur la scène internationale.
Selon le directeur artistique du Festival Acoustik Bamako, Toumani Diabaté, ce festival est né d’une synergie entre les artistes maliens, les acteurs culturels et les institutions. Pour lui, c'est un rendez-vous annuel pour les musiciens et mélomanes. Le festival a vu cette année la participation de : Fatoumata Diawara, –M-, Toumani et Sidiki Diabaté, Mandé Brass Band (France) etc.
Quant à Habib Koïté, il est le promoteur d’un centre culturel dénommé « Maya » un espace qui offre au public des spectacles tous les weekends. Il dispose d’une discothèque, d’un espace de rafraichissement et d’une piste de danse. « J’ai créé cet espace pour permettre aux jeunes artistes et débutants de montrer leur savoir-faire », affirme Habib dans le Journal du Mali.
La volonté politique de l’État
Le gouvernement de son côté a entrepris une série d’actions dont le but est d’améliorer les conditions de vie des artistes. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’adoption le 09 mars 2016, de la loi fixant le régime de la propriété littéraire et artistique au Mali. Cette loi détermine les conditions de protection, les modes d’exploitation, les redevances et le dispositif institutionnel de gestion collective des droits d’auteur et droits voisins.
Pour relancer l’activité musicale au nord mali, la ville de Tombouctou sera dotée d’un centre d’innovation multifonctionnel pour accueillir des rencontres, des conférences-débats, des animations culturelles dans le cadre du projet « Timbuktu Renaissance » ; une initiative dont l’objectif est d’œuvrer pour le retour définitif et durable de la paix et de la stabilité économique dans les régions nord du Mali par le vecteur de la culture.
Initié depuis deux ans par le ministère de la culture et de l’ambassade des USA, «Timbuktu Renaissance » a enregistré des avancées avec la construction d’un centre culturel d’innovation à Tombouctou à environ 80 000 dollars US. Ce centre permettra le brassage culturel et la promotion de la paix dans le nord selon les responsables du projet. En outre, il sera équipé par Google cultural Institute et il sera possible de porter les concerts des jeunes artistes au monde grâce à YouTube.
La relance de la musique malienne passe aussi selon Youssouf Doumbia par l’organisation de la biennale. « Cette manifestation permet d’inspirer non seulement les grands artistes mais permet aussi aux jeunes artistes de l’intérieur d’émerger ».
Un souhait qui pourrait être exaucé car le cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD 2016-2018) prévoit la mise en place d’un fonds d’appui institutionnel aux structures de la culture et aux entreprises et industries culturelles. Il s’agira également de renforcer les capacités humaines et matérielles de l’Institut National des Arts (INA).
Plus de 4,8 milliards de F CFA sont prévus à cet effet en 2017. La mise en œuvre effective du CREDD qui est pilotée par la cellule technique cadre stratégique pour la lutte contre la pauvreté (CT-CSLP) a pris un certain retard en ce concerne le volet culture. En effet les concertations aux niveaux régionales pour son exécution sont toujours en cours. Toutefois, l'optimise est de rigueur.
Le conflit que vit le Mali a impacté négativement et freiné le secteur musical dans son élan. Néanmoins, les musiciens se sont adaptés à cette situation et parviennent tant bien que mal à se faire entendre et à mener leurs activités. Les acteurs-clés, le gouvernement avec l'aide de bailleurs de fonds étrangers tentent de redynamiser le domaine tout en appelant à l'instauration d'une paix définitive.
sources :
http://www.jeuneafrique.com/298801/economie/mali-le-tourisme-reduit-a-peau-de-chagrin-sous-la-menace-terroriste/
http://afrique.lepoint.fr/culture/mali-la-musique-a-l-epreuve-de-la-crise-27-05-2015-1931373_2256.php
http://maliactu.net/mali-tombouctou-le-festival-au-desert-reporte-pour-raison-de-securite/
http://maliactu.net/mali-festival-au-desert-dessakane-a-la-caravane-culturelle-pour-la-paix/
http://malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/actualite_culturelle_au_mali/166053-crise-de-2012-et-activites-culturelles-on-baisse-les-rideaux.html
http://nordsudjournal.com/2017/01/25/le-retour-du-festival-au-desert-divise-tombouctou/
http://maliactu.net/mali-annulee-a-cause-de-la-conference-dentente-nationale-du-27-mars-au-2-avril-la-biennale-artistique-et-culturelle-doit-encore-attendre/
http://www.maliweb.net/art-culture/biennales-culturelles/report-de-biennale-artistique-cacophonie-sommet-de-letat-2130932.html
http://maliactu.net/mali-timbuktu-renaissance-souci-dune-relance-touristique-et-culturelle/
http://www.maliapd.org/Fatou/CREDD%202016-2018.pdf
http://www.finances.gouv.ml/document/cadre-strategique-pour-la-relance-economique-et-le-d%C3%A9veloppement-durable-du-mali-credd-2016
http://news.abamako.com/h/151679.html
http://malijet.com/actualite_musicale_malienne/145049-festival_accoustik_bamako_edition.html
http://afrique.lepoint.fr/culture/bamako-le-chant-des-resistants-16-02-2017-2105246_2256.php
http://www.telerama.fr/musique/un-samedi-soir-a-bamako,131848.php
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