Boddhi Satva : « chaque mois, depuis mai 2017, je sors un single »
De passage à Dakar pour l'animation de la 16e édition des soirées Electrafrique, le DJ Centrafricain Boddhi Satva a bien voulu répondre à quelques questions de notre équipe de rédaction.
Bonjour Boddhi Satva. Pourriez-vous nous parler un peu de votre nom d’artiste ? Il est bien original !
Bonjour Jean de Dieu. Je commencerais par rappeler que mon vrai nom est Armani Kombot-Naguemon. Boddhi Satva (inspiré du mot bodhisattva) désigne dans le bouddhisme, l’état d’éveil spirituel du sage, qui a franchi tous les degrés de perfection, sauf le dernier qui fera de lui un bouddha.
Je ne suis certes pas bouddhiste, mais plusieurs aspects de cette religion m’intéressent fortement. J’ai choisi de m’appeler Boddhi Satva, pour que ma musique ait l’effet de la parole du sage, qui voudrait éclairer le monde et changer la vision des gens qui l'entourent.
Vous êtes l’initiateur d’un concept musical baptisé Ancestral Soul. En quoi consiste-t-il exactement ?
S’il faudrait résumer, l’Ancestral Soul est le mixage de toutes mes influences musicales. Ayant vécu à Bria, chef-lieu de la préfecture de la Haute-Kotto (Centrafrique), j’ai durant ma tendre enfance, été bercé par les chansons et percussions traditionnelles. Mais en grandissant, j’ai aussi pris goût à la rumba, au ndombolo, à la house et même au rock.
Tous ces différents styles qui se sont mêlés en moi et qui continuent de faire vibrer mon être, j’ai voulu les communiquer en tant que DJ à mon public, dans un sous-genre à la fois unique et authentique, que j’ai baptisé l’Ancestral Soul.
Justement, si vous nous parliez de votre parcours de Disk-Jockey. Quels ont été vos sources d'inspiration et les obstacles auxquels vous avez été confronté ?
Les choses n’ont jamais été faciles et elles ne le sont toujours pas ! Je ne dirais pas que mon père était contre mon envie de faire carrière dans la musique, mais il privilégiait les études. Son désir était de me voir devenir avocat d’affaires, ce qui je l’avoue, a toujours été un rêve pour moi aussi. J’ai créé avec quelques amis à Bria, un petit groupe de musique dénommé Gbekpa Crew et nous chantions en amateur sur les scènes de la place. Après ma classe de terminale, j’ai reçu à Bruxelles (Belgique) une formation de tailleur de diamant et j’ai même commencé à exercer dans ce métier ; mais j'ai bien vite abandonné tout cela, pour me consacrer à la musique.
Mon père qui était un homme très nanti, s’est du jour au lendemain retrouvé dans de grandes difficultés financières. À ce moment précis, je me suis senti obligé de faire quelque chose pour aider les miens. Inspiré par le livre La folle sagesse de Chögyam Trungpa Rinpoché, que j’ai lu pour la première fois à l’âge de 14 ans, j’ai décidé de vivre pleinement ma passion musicale, qui je le sentais, pouvait m’ouvrir la porte du succès.
En 2005, je fais la rencontre d’Alton Miller, un DJ américain que je suivais et dont j’appréciais énormément le travail. Comme par miracle, il devient mon collocataire en Belgique et il m’initie aux rudiments du métier de DJ. Parallèlement, je me forme en autodidacte à l’art du mixage. Cette première rencontre sera suivie de celle d’Osunlade, une de mes références dans le deejaying, que j’eus le privilège d’interviewer en tant qu’animateur d’une petite émission radio dénommée Urban Grooves.
Bria’s offering est le titre de mon tout premier mix de 8 minutes. Il m’a permis d’être signé dans le label Yoruba Records d’Osunlade, avec une belle avance de 1500 euros, alors que je ne m’y attendais pas. Ce fut le vrai début de ma carrière. J'ai multiplié les collaborations avec des artistes de haut niveau comme Louie Vega pour ne citer que lui. La suite de l'histoire, vous la connaissez…
Vous êtes à Dakar pour animer une soirée d’Electrafrique. Quels sont vos liens avec ce réseau et avec le pays de la Teranga en général ?
Electrafrique est un réseau d’artistes évoluant dans la musique électronique, qui a été fondé par DJ Cortega, un bon ami à moi. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois à Naïrobi (Kenya), où j’étais invité pour un show au festival Blankets and Wine. DJ Cortega m’a alors proposé d’animer une de ses soirées Electrafrique, qu’il organisait en ce temps à Nairobi.
Maintenant qu’il s’est établi à Dakar, il y organise les soirées et nous continuons de collaborer. Il a fait appel à moi pour l’animation de la 9e édition en 2017 et pour celle de la 16e édition, pour laquelle je suis à présent ici.
Il faut cependant dire que ma première venue à Dakar remonte à 2014, pour un spectacle que j’avais co-organisé avec DJ Tchoub Tchoub et Gnagna Koné. Aussi, j’ai des liens forts avec le pays de la Teranga, car j’ai de nombreux amis d’enfance qui y vivent.
Vous venez de Bria, une région du cœur de la Centrafrique. Comment vivez-vous les crises que traverse ce pays ?
Avec beaucoup de chagrin ! Notre nation est très riche et elle a une terre généreuse. Mais quelques-uns d’entre nous se sont laissés aveuglés par la soif du pouvoir et l’appât du gain, au point de verser sans remords, le sang de leurs compatriotes.
Beaucoup aussi se laissent embarquer dans ces guerres sans fondement, du seul fait de leur ignorance. Avec toutes les années blanches que le pays a connu, un sérieux souci d’éducation se pose. La conséquence immédiate, c’est que nous avons une importante partie de notre jeunesse qui est non instruite et facilement manipulable.
Mais au fond de moi, je continue de croire que les choses changeront. À mon niveau je me bats comme je peux, pour faire reconnaître le talent de ma nation la République Centrafrique, que j’adore malgré tout.
Pour finir, pouvez-vous nous dire un petit mot sur votre actualité musicale ?
Oui bien sûr ! Chaque mois, depuis mai 2017, je sors un single. J’ai récemment collaboré avec DJ Spilulu et les 2 artistes congolais Kanga Mutu et H Baraka, sur une oeuvre en collectif. J’ai également travaillé sur un mix titré Soulstar, avec l’artiste sud-africain Ivili. Vous reconnaîtrez aussi mon empreinte sur le titre « Mwasi na ngai » de Kaysha et Badi. J’envisage sortir mon 3e album d’ici à la fin de l’année.
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