Droits d'auteur, redevances et piratage musical en Namibie
par Selma Neshiko
En Namibie, le secteur musical n’est pas très rentable. Les ventes d'albums sont faibles et le piratage prive les musiciens du fruit de leur travail. La plupart se produisent donc sur scène pour assurer leurs revenus.
Droits d’auteur et collecte de redevances
Une redevance se réfère à une prestation en argent versée à un auteur-compositeur pour l’exploitation de son œuvre, par exemple pour une radiodiffusion. En Namibie, la société namibienne des compositeurs et auteurs de musique (NASCAM) a été créé pour recueillir et distribuer des redevances au nom des musiciens, et délivre des licences pour protéger le droit d'auteur de toute violation. Cependant, la vente, la distribution et la promotion d’un album incombent au musicien. La NASCAM délivre également des licences à toute personne faisant usage d’une œuvre musicale dans un lieu public, tels que les stations de radio, les boites de nuit, les restaurants, les boutiques, les bars, les exploitants de juke-boxes et même les compagnies d’autobus.
L’étendue des opérations de la NASCAM couvre trois types de droits musicaux: le droit de reproduction mécanique, le droit d'exécution et le droit des artistes exécutants. Chacun de ces droits s’adresse aux artistes et créateurs de musique qui participent à la production d'une œuvre musicale.
- Le droit de reproduction mécanique: Les auteurs, compositeurs et éditeurs perçoivent des redevances lorsque leurs œuvres musicales sont reproduites sur CD, DVD, cassette, vidéo, MP3, disque dur, ou encore utilisées comme sonneries de téléphone. Par exemple, le droit de reproduction mécanique permet aux créateurs de revendiquer une redevance durement gagnée à chaque achat ou téléchargement légal de leur œuvre.
- Le droit d’exécution publique: un auteur-compositeur ou éditeur perçoit une redevance lorsque son œuvre est exploitée publiquement – à la radio, à la télévision, ou lors d'un concert.
- Le droit des artistes exécutants : L’artiste (musicien, producteur, chanteur ou choriste) - qui n’a pas forcément écrit ou composé une chanson mais contribue à son enregistrement - perçoit une redevance lorsque l’enregistrement est exploité publiquement, par exemple, à la radio. La somme, bien que raisonnable, n’est pas la même que celle que perçoit l’auteur-compositeur.
A ce jour un total de 5450 auteurs, compositeurs et éditeurs sont enregistrés à la NASCAM. En 2014, la NASCAM verse des redevances à plus de 1300 membres et ce nombre est appelé à augmenter chaque année. La NASCAM collecte environ 4,6 millions N$ (environ 370 000 US$) par an de tous les utilisateurs de musique. Près de 2 millions de N$ (160 000 U$S) sont redistribués aux membres.
Steve Naruseb, The Dogg, Gazza, Big Ben, Lady May, Gal Level et feu Jackson Kaujeua sont les auteurs et compositeurs les mieux payés du pays. Chacun gagne jusqu’à 17 000 N$ (1350 US$). L'indemnisation est également faite à l’International Copyright Collective Management Societies (CMO) – société internationale de gestion collective du droit d’auteur - pour toute musique internationale diffusée ou exploitée en Namibie.
La NASCAM n’a pu fournir de statistiques sur la vente des albums, car les musiciens namibiens vendent généralement leur musique sur leurs propres canaux à prix libre – le secteur musical local n’est pas réglementé. Tous les CDs – des originaux distribués légitimement aux reproductions digitales d'un fournisseur pirate - sont généralement vendus à 100 N$ (8 US$) voire plus.
Le piratage musical
La Namibie est aux prises avec la violation des droits d'auteur - ou piratage musical -comme tout autre pays en voie de développement. Un mal qui coûte cher à l'industrie musicale et qui l'empêche d'avancer. Le piratage musical en Namibie se fait traditionnellement à partir d'un jukebox. Les œuvres de bon nombre de musiciens sont téléchargées sur des juke-boxes numériques en format mp3. Les propriétaires de juke-boxes bénéficient des revenus alors que les détenteurs des droits d'auteur ne reçoivent souvent rien. Les propriétaires de juke-boxes n’achètent plus de CD des musiciens. Ils diffusent et distribuent librement ce qu’ils ont en main.
La NASCAM mène la lutte contre le piratage en Namibie, avec le soutien inconditionnel des autorités locales de la police et la douane. Le piratage est identifié comme un problème en Namibie en 1998, et la NASCAM intensifie ses opérations en 2002, lorsque les marchés sont inondés de vendeurs pirates. L'amende minimale est de 12000 N$ (environ 965 US$) ou trois ans de prison. Pour les récidivistes, la peine monte à 20000 N$ (environ 1600 U$S) ou quatre ans de prison - ou les deux, en fonction de l'ampleur de l'infraction. Ceci est énoncé dans l'article 33 de la loi sur la protection du droit d'auteur et des droits voisins de 1994.
Reconnaissant la difficulté de lutter contre le piratage, un nouveau système est introduit- le livret sur la licence des droits de reproduction mécanique - pour aider les musiciens namibiens à bénéficier d’au moins deux tiers des redevances. Une initiative des distributeurs et gestionnaires de la musique locale, le livret a pour but de contrôler les téléchargements et de protéger les droits d'un morceau de musique de son format original à sa conversion en MP3. Cependant, le succès de cette initiative est limité en raison du manque de soutien de certains musiciens et autres intervenants du secteur.
D'autre part, la licence du droit d’auteur de la NASCAM est mise en place pour contrôler l'exploitation de la musique dans les lieux publics et collecter les redevances des membres locaux et des sociétés internationales de gestion des droits d'auteur. Cette initiative vise à minimiser toute violation commerciale dans les restaurants, à la radio, la télévision, les supermarchés, les juke-boxes et autres lieux où la musique est jouée pour le divertissement ou le loisir des clients et du personnel.
Aujourd'hui, on ne trouve quasi plus de vendeurs de produits pirates en Namibie, suggère que la NASCAM est en train de gagner la lutte contre le piratage. Selon la déclaration par la NASCAM, la situation actuelle a effectivement changé avec quelques 500 à 1000 copies illégales confisquées par an à travers le pays. La NASCAM procède à des inspections régulières pour surveiller toute activité potentiellement illégale. La NASCAM indique également que la majorité de ceux qui pratiquent toujours le piratage ne sont pas namibiens, comme le démontre les quelques 27 cas de piratage signalés récemment à la police namibienne.
Les défis
Malgré les succès de la NASCAM dans la lutte contre le piratage, la bataille continue. Le secteur musical local s’adapte progressivement aux exigences du marché mondial en constante évolution, alors que les nouvelles technologies facilitent l’accès légal ou non à la musique et autres contenus.
La Namibie a un besoin urgent d'une approche holistique pour protéger ses industries créatives et encourager les nouvelles innovations afin que ses créateurs puissent poursuivre leurs activités dans le secteur du divertissement. Il est donc nécessaire d’actualiser la loi sur le droit d'auteur pour intégrer les nouvelles technologies, en prévoyant éventuellement des contrôles plus stricts pour punir ceux qui violent le droit fondamental des artistes. Gagner sa vie en tant qu’artiste namibien n’est possible qu’avec la mise en place de nouvelles mesures, et concerne plus particulièrement la nouvelle génération d'artistes dont le revenu repose essentiellement sur leurs prestations, mais qui devraient bénéficier des redevances générées par les temps d’antenne et les ventes.
L'auteur tient à remercier le PDG de la NASCAM, John Max pour son aide précieuse à la préparation du présent article.
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