La musique populaire burkinabè
La musique populaire burkinabè s’est fortement rajeunie ces dernières années avec une variété de rythmes. Découvrons quelques-unes de ses vedettes.
Le règne de la jeunesse
Pays d’hospitalité et d’intégration, capitale de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA), le Burkina Faso est ouvert à une multitude d’expressions culturelle et artistique. Cette ouverture se ressent dans la musique populaire burkinabè, fortement influencée par des styles musicaux ivoiriens (coupé-décalé) et nigérians (Naija).
Pour ne pas rester anonyme « rythmiquement » , nombreux sont les musiciens qui ont opté pour la variété, mais en donnant une touche de modernité aux sonorités traditionnelles. La démarche artistique est judicieuse car la fusion plaît aux Burkinabè.
Floby
Parmi ces artistes attachés au métissage des compositions, on peut citer Floby né Florent Belemgnegré, l’actuel leader de la musique populaire burkinabè. Découvert par Ismaila Papus Zongo, l’un des meilleurs producteurs de la place, cet ex-rappeur sort son premier album Maam sooré (Ma voie) en 2006 chez Merveilles.
L’œuvre, aux relents autobiographiques, chantée essentiellement en mooré (l’une des langues nationales du pays) évoque la souffrance, l’espoir, l’amour fraternel. Des sujets qui touchent des milliers de Burkinabè en quête d’un bien-être dans une nation classée parmi les plus pauvres du monde. Son tube « Rosine », fait le tour du Burkina et de la diaspora. Elle continue d’émerveiller et reste encore l’un des titres les plus écoutés ces dernières années.
De l’avis du président de la Confédération nationale de la culture du Burkina Faso, Vincent Koala, Floby remplit les salles parce qu’il donne la possibilité aux Burkinabè de « se ressourcer dans leurs traditions et de se projeter sur une contemporanéité ». Il n’en fallait pas plus pour que beaucoup d’observateurs découvrent en ce jeune prodige, un digne héritier de Georges Ouédraogo ou de Nick Dombi, des vedettes disparues.
L’enfant du ghetto, comme il se réclame, ne cesse de clamer haut et fort que la musique est la seule chose qu’il a reçue de Dieu. Alors ce cadeau divin, il le perfectionne et le partage à coups d’album. Sa carrière s’est, sans surprise, auréolée de nombreuses distinctions dont la plus convoitée par tout artiste burkinabè ou africain, le Kundé d’or. Il a aussi remporté à cette même manifestation, le titre de la révélation de la musique burkinabè et le trophée de la meilleure chanson jouée en discothèque.
Wilgui Maam, l’album des incompréhensions en 2009
À la surprise générale, Floby se sépare de son premier producteur, Ismaila Papus Zongo, pour une histoire de cachet et sort son deuxième album Wilgui maam, chez Wendpanga production, un label créé par son ex-manager. C’est la polémique. Certains acteurs musicaux et des fans refusent de cautionner son divorce avec son « père spirituel » et le taxent d’ingrat.
Mais en 14 titres chantés en mooré et en français, l’œuvre est encore un succès et met fin à la polémique. « Kardjatou », « Mi amor », des morceaux de l’album, tournent dans les médias et dans les grands événements. La Maison du peuple, la plus salle de spectacle du pays ne contient plus ses admirateurs, l’obligeant parfois à donner deux concerts dans la même soirée.
L’étoile montante de la musique burkinabè est détectée par la chaine musicale Trace Africa qui lui consacre un film documentaire et diffuse ses clips. C’est l’ouverture à la diaspora burkinabè et à d’autres musiques notamment le coupé-décalé et la musique nigériane. C’est en qualité de maillot jaune (terme emprunté au cyclisme dans le showbiz) qu’il sort, le 30 juin 2012, son troisième album Wendemi au stade du 4-Août, pris d’assaut par plus de 45 000 spectateurs. Puis le 30 juin 2015, les mélomanes découvrent M’pengda Wendé. Un album de 12 titres empreints de coupé-décalé et de musique nigériane.
Sur scène, il est désormais accompagné de danseurs (spécialisés en pas coupé-décalé) et d’un disque joker. Belle stratégie, disent certains, pour résister à l’invasion des musiques ivoiriennes et nigérianes. À l’image des stars de ces deux pays, Floby publie des singles largement diffusés sur Trace Africa dont les plus populaires sont : « My lady », « Aminata », « La femme de mon boss », « Danse un peu », « My God », « Lokido », «Tu me connais ». Et le succès continue pour Kirikou, son surnom, histoire de dire qu’il a la réussite dans les veines.
Dez Altino, de l’enseignement à la musique
On ne peut évoquer la musique populaire sans citer Dez Altino (Désiré Tiga Wendwaogo Ouédraogo son vrai nom). Sa spécialité ? Promouvoir les rythmes, dans un parfum de variété, du nord du Burkina Faso dans ses albums : le wiré, le liwaga et le winninga. En septembre dernier, ce descendant d’une chefferie de Gourcy, une ville située au nord du Burkina Faso, fêtait ses 10 ans de carrière.
Mais le succès de Dez Altino réside en partie dans ses textes où il transpose des comportements sociaux. Il chante les violences conjugales avec humour et s’en prend à la jalousie malsaine de certains de ses concitoyens. Bon Dieu. C’est par cet album, mis sur le marché du disque en 2006, qu’il fait ses premiers risques dans la musique.
Enseignant d’école primaire et maître d’arts martiaux, Dez Altino embrasse la musique pour s’épanouir. C’est le succès. Sollicité par les organisateurs de spectacle, il abandonne l’enseignement et les arts martiaux. Trois années plus tard (2009), ce portraitiste de la société burkinabè construit son succès avec N’Dolé, notamment le tube « Lampoko », une parodie d’un couple se bastonnant. Suivra en 2012, Man ne foo.
En 2013, son talent est salué à coup de distinction par le showbiz national. Il rafle le Kundé d’or, le Kundé du public et le Kundé de l’artiste le plus joué en discothèque. En 2014, sort son 4e album Sabaabo. « Wende ya wende » (Dieu est Dieu), lance-t-il ce refrain dans une de ses chansons qui deviendra un slogan national surtout pour ses fans. À qui, il dédie son cinquième opus Barka en 2016.
Imilo, le DJ chanceux
Son tube « Wassa wassa » figure actuellement parmi les chansons les plus écoutées et les plus dansées au Burkina Faso. Danseur, chorégraphe, Imilo Lechanceux a d’abord accompagné de grands noms de la musique (David Tayorault, Marechal Dj, Floby, Wendy, Amety Meria, Adèle Rouamba) avant de devenir, contre toute attente et toutes critiques, le maître du coupé-décalé made in Burkina Faso.
Peu de spécialistes le croyaient capable de rivaliser avec les artistes ivoiriens dans ce genre musical où l’on progresse via les concepts. Mais « Mot de passe », son premier concept vient dissiper les doutes, avec en bonus une forte médiatisation au Burkina Faso et à l’extérieur. Conscient de sa bonne étoile, il se fait désormais appeler Imilo Lechanceux (il s’appelait Imilo dj), histoire de demeurer longtemps dans le cercle des musiciens à succès.
En 2013, sort un premier album En voici 1, en 2014 son concept Super, en janvier 2015 « Illélé », une chanson sentimentale. Deux ans plus tard, c’est la consécration avec un nouveau concept Wassa wassa arrangé par une vedette ivoirienne du coupé-décalé, Bebi Philip repris en chœur par les enfants, applaudi par les adultes et diffusé par plusieurs chaînes de télévision étrangères dont Trace Africa.
Sana Bob, le marginal devenu star
Moqué, sous-estimé, Sana Bob est un phénomène musical et social. Conseillé par deux personnalités culturelles féminines, à savoir Léontine Ado Gorgo (une célébrité de la musique traditionnelle moaga) et Marie Rose Guiraud (chorégraphe ivoirienne réputée), Sana Bob, passionné de reggae et de Bob Marley, baptise sa musique Wedbindé, un rythme du Centre-Nord du Burkina Faso fusionné au reggae.
En 1997, sort Gloire, son premier opus. Quatre ans plus tard, Réconciliation est dans les bacs. Pas de succès escompté. Mais en 2006, le débat politique, notamment l’absence d’alternance au Burkina Faso, occulte les vrais problèmes des citoyens du pays de Thomas Sankara. Sana Bob sent la tension sociale et s’engage à travers « Dernière chance », pour un accès de tous les enfants à l’éducation. Et n’hésite pas à interpeller par un mégaphone les pouvoirs publics pendant ses concerts. Il est surnommé par ses « le crieur public ».
En 2009, un nouvel album Beog yinga (Pensons à l’avenir), invite à préparer l’avenir du pays en particulier de la jeunesse. Et en 2014, Notre temps, son cinquième album, fige l’aspiration des Burkinabè à une vraie démocratie et une vie meilleure. Sa prise de position s’avère payante, puisqu’il décroche, comme premier reggae man, le Kundé d’or. Depuis, il enchaîne les prestations dans son pays, en Afrique (Côte d’Ivoire) et en Europe (Belgique).
Malika, l’amazone du slam
En dépit de leurs succès, la musique burkinabè est loin d’être l’apanage des seuls hommes. Sa nouvelle ambassadrice se nomme Malika la slameuse (à l’état civil Malika Ouattara). Son moyen d’expression est le slam qu’elle découvre lors du plus grand festival des musiques urbaines du pays des Hommes, Waga hip hop devenu depuis Waga festival.
Un événement promu par Umané culture d’Ali Diallo. Dans Slamazone, son premier album de 12 titres sorti cette année, elle essaime au sein de la jeunesse des messages pour le développement de l’Afrique. Même en pleine crise du disque, plus de 2500 mélomanes l’ont écoutée en achetant l’œuvre, selon son staff.
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