La scène musicale live en Namibie
Par Selma Neshiko
Ce texte donne un aperçu de la scène musicale en Namibie.
Avant l'indépendance, alors que la Namibie est encore sous le régime sud-africain de l'apartheid, les spectacles musicaux sont une forme populaire de divertissement pour la plupart des Namibiens, notamment parmi les communautés noires qui ont quelques infrastructures de loisirs. Ces manifestations musicales présentent alors l’opportunité de côtoyer des gens de tous âges et de tous horizons - complotant parfois la chute du tant haï régime de l'apartheid. La majorité des meilleurs musiciens de l’époque travaillent en tant qu’ouvriers migrants dans les mines de l’Afrique du Sud où ils perfectionnent leurs compétences en musique. La plupart d’entre eux sont autodidactes et apprennent la musique en se mêlant à d’autres musiciens de la région.
Sous le régime de l'apartheid, chaque quartier résidentiel, réparti en fonction de l'origine ethnique des habitants, a ses propres groupes de musiciens. Ou Leyde et Xari - Xurob (mbaqanga) représentent les Damaras, les Bee Bop Brothers (mbaqanga et pop), représentent les Héréros tandis que les Dakotas (rock et mbaqanga) chantent en oshiwambo. Il est important de mentionner qu’à cette époque, les Damaras, considérés comme le peuple le plus urbanisé, sont parmi les pionniers de l'industrie musicale de la Namibie, comme l’atteste les exploits des saxophonistes Xari - Xurob et Leyde Naftalie, alors que se distinguent d’autres musiciens populaires tels que Johannes Warmgat Mureko.
Les salles de concerts
La scène musicale en Namibie continue de prospérer aujourd’hui, même si elle fait face à de nombreux défis qui seront abordés plus loin dans ce texte. Il est bon de noter que ces dernières années, de nombreux groupes de musique, notamment les plus « assidus», refont surface. Pour une première visite en Namibie, le nombre de concerts à travers le pays peut en effet surprendre. Si l'on se déplace autour de Windhoek (qui accueille la majorité des concerts), on y trouve une scène musicale en pleine effervescence bien que modeste.
Windhoek accueille quelques-uns des festivals et concerts les plus populaires du pays. Le Warehouse Theatre est le lieu le plus populaire accueillant des concerts célèbres tels que Song Night, des concerts acoustiques entre autres. Le Théâtre National de la Namibie (NTN), le centre culturel allemand Goethe-Institut, le centre culturel franco-namibien (FNCC), Jojos Café, le stade Hage Geingob, Independence Arena, Hilton Kalabar et bien d'autres jouent un rôle très actif dans l'organisation de concerts au quotidien.
La capitale n’est pas le seul endroit offrant de la bonne musique. La salle du German Hostel à Luderitz, le centre Swakopmund, le centre de la jeunesse de Keetmanshoop et le parc des expositions Ongwediva ainsi que le parc des expositions Bennies (tous deux à Ongwediva) fournissent également l’infrastructure pour l’organisation de concerts en tous genres.
Les Festivals
Presque toutes les villes de la Namibie accueillent des festivals de musique, des concerts et manifestations musicales chaque année, attirant des milliers de spectateurs venus des quatre coins du pays. Ci-dessous, quelques exemples des manifestations les plus populaires.
Le Festival de jazz de Windhoek qui rassemble chaque année plus de 5000 personnes venus de tous les coins du pays. Freshly Ground, Lira, Selaelo Selota, Hugh Masekela, Zahara et la légende malienne Salif Keita, sont quelques-unes des grandes stars de la musique africaine à se produire sur la scène de ce grand festival.
La Fête de la Musique, fête qui s’observe partout dans le monde le 21 Juin, est l’une des plus grandes manifestations du calendrier de fêtes de la Namibie. Chaque année, les amateurs de musique du pays peuvent profiter des concerts d’artistes locaux connus et moins connus et ce gratuitement. Des concerts ont lieu dans de nombreuses villes, y compris Windhoek, Swakopmund, Oshakati et Keetmanshoop.
Le Swakopmunder Musikwoche, une manifestation musicale annuelle qui se déroule dans la ville de Swakopmund sous le patronage de l'église allemande évangélique luthérienne est également populaire. Chaque décembre, des professionnels de la musique d’institutions nationales et internationales se déplacent pour offrir une formation et soutenir les musiciens namibiens venus des quatre coins du pays. L'événement accueille d’éminents experts comme Alexander Fokkens (Afrique du Sud), Hans-Jochen Stiefel (Allemagne), Dr Eric McIntyre (Etats Unis) et beaucoup d'autres. L'événement dure normalement de neuf à dix jours et mène à une série de concerts qui sont ouverts au public.
Nam Rock, Namibian Annuel Music Awards, le festival /Ae//Gams, Last Band Standing, Hart van Windhoek, le Festival d’été de la House Music, le Festival du Cuivre de Tsumeb, l’exposition Ongwediva et le Festival d’écrevisses de Luderitz comptent parmi les festivals et concerts populaires qui attirent de grandes foules en Namibie.
Les Promoteurs
Malgré les difficultés économiques, la Namibie possède des promoteurs importants et crédibles tels que Sidman Xolele et Mathew Shikongo, qui font venir des groupes de l'Afrique du Sud pour les opposer à des groupes locaux dans les populaires « Battle of the bands » (guerre des groupes musicaux).
Deal Done Records est l'un des plus grands labels du pays et accueille une sélection d’artistes de différents genres de musique. Le propriétaire du label, Dragan Djokic d’origine serbe, plus connu sous le nom d’Antonio est un passionné de musique et signe quelques-uns des meilleurs groupes locaux comme le groupe primé Stardust, Ann Singer et Ethnixs, dans le but d'encourager la musique live en Namibie[i].
Ernst Herma, un fervent promoteur de la musique en Namibie, organise des concerts les week-ends dans le but de soutenir la scène musicale locale.
La Namibie est en voie de devenir une destination populaire pour les tournées de stars internationales. Le pays accueille au fil des années, des célébrités du reggae et de la pop britannique : UB40, Irish heartthrobs, Westlife, la célèbre rappeuse américaine Eve et le célèbre chanteur américain Trey Songz (à l’occasion du 25ème anniversaire de l'indépendance en mai 2015). Le groupe américain Boyz II Men s’est produit à un nouveau concert annuel, le Windhoek Draught Live au Stade Hage Geingob à Windhoek le 30 Octobre 2015 (http://musicinafrica.net/boyz-ii-men-headline- nouvelle - annuel - concert - Namibie)
Les défis
Malgré son potentiel, la scène musicale en Namibie fait face à de nombreux défis. Tout d'abord, elle n’est pas correctement commercialisée. L'émergence de promoteurs louches qui n’ont aucune connaissance du sujet en est sans doute la cause. Il y a trop de gens qui prétendent connaitre l'industrie. Le marché de la musique n’est pas très important en Namibie malgré les nombreux musiciens talentueux et déterminés. Le fossé entre les générations aggrave cette situation. Les jeunes n’apprécient guère les genres musicaux d'antan (musique dite 'vieille école'), tandis que le public plus mature, de la classe moyenne préfère les concerts où ils peuvent s’asseoir et profiter de la musique en dégustant un verre de vin.
Les artistes comparent l'industrie de la musique actuelle à l'enseignement supérieur en Namibie. Peu importe l'argent que vous dépensez, ou les efforts que vous y avez consacrés s’il n’y a aucune garantie de retour. Certains artistes finissent par organiser des concerts gratuits tout simplement pour obtenir l’attention du public.
La préférence pour la musique internationale, combinée à l'absence de pubs authentiques et de discothèques dans une grande ville comme Windhoek fait également défaut. Les œuvres des artistes namibiens ne figurent que très rarement à ces listes d’écoute. Même les promoteurs et gestionnaires de clubs se concentrent davantage sur la mise en scène d’artistes internationaux afin d'attirer de grandes foules.
Même si la relève est bien assurée, les musiciens et promoteurs ne peuvent poursuivre leurs carrières, se produire sur scène ou partir en tournée à travers le pays, faute de moyens. L’absence présumée de fonds : les entreprises ne veulent pas payer, les ONGs ne veulent pas investir dans la musique et la majorité des expos et salons se rétractent car les organisateurs ne peuvent se permettre le matériel acoustique (batterie, percussions, amplificateurs de guitares, etc.)
Bien que le public namibien soit habitué aux concerts, ces manifestations ne sont plus les mêmes avec l’introduction de backtracks ou pistes préenregistrées. En effet, la plupart des musiciens namibiens dépendent de ces accompagnements lors de leurs concerts. Cela est largement dû à la hausse des coûts des équipements de sonorisation, et des honoraires des ingénieurs du son et de l'éclairage. Les musiciens namibiens réalisent que le public n’est pas disposé à payer pour un concert en playback. Bien évidemment, les artistes se produisant en live sont plus susceptibles de combler une salle que ceux se produisant en playback, tout simplement parce que les gens réagissent mieux au direct. La plupart des amateurs de la vraie musique considèrent l'utilisation de backtracks et la synchronisation labiale comme du « vol ». Pour cette raison, les concerts en live commencent à réapparaître. Certains musiciens se produisant en playback offre désormais du direct. Toutefois, certains artistes ne peuvent en faire autant par manque de ressources.
La demande croissante pour des concerts en live contribue largement à la promotion de la scène musicale. Les concerts offrent des possibilités d'emploi pour les jeunes musiciens souhaitant jouer professionnellement et à temps plein. Les artistes namibiens se concentrent maintenant davantage sur les concerts pour assurer leur avenir localement et internationalement. Les jeunes artistes tels que Elemotho, Shishani et Erna Chimu provoquent des déferlantes à l’étranger renforçant leur présence à travers leurs concerts. Ugly Creatures, Ras Sheehama, Big Ben, Lize Ehlers et Bullet Ya Kaoko, pour ne citer que, sont eux-aussi connus comme les défenseurs de la musique en live. Il est sans doute juste de dire que la scène musicale en Namibie est actuellement en phase de transition, motivée par la demande croissante de concerts.
[i] http://m.sun.com.na/art-and-entertainment/namibian-artists-urged-adopt-live-band-culture-0
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