Musique et résolution des conflits en Centrafrique
Par Gervais Lakosso
Parmi les moyens pour résoudre les conflits en Centrafrique, la musique en fait partie. Les musiciens centrafricains ont largement contribué à rétablir la paix en Centrafrique. Qu'ils soient au pays ou à l'étranger, les artistes interpellent et conscientisent les autorités ainsi que la population. Dans cet article, nous allons évoquer les implications des musiciens ainsi que leurs actions pour mettre fin à la crise que traverse la RCA.
La mort tragique et précoce de Barthélémy Boganda (accident d’avion toujours inexpliqué), premier prêtre oubanguien et artisan de l’indépendance de la Centrafrique, a sevré le pays d'un leader charismatique avant même l’accession à l’indépendance.
Depuis cet épisode, les batailles pour l'accession au pouvoir se multiplient. Chacun y va de sa façon pour gagner le fauteuil présidentiel et la musique est une arme pour tous. Les partis politiques et leurs leaders possèdent leurs propres orchestres qu'ils utilisent pour véhiculer les idéaux de leurs mouvements et leurs messages à la population. Lors des campagnes électorales, les musiciens appuient les partis politiques et leurs candidats par des chansons de propagandes. Les politiques paient des sommes importantes aux musiciens pour transformer leurs fans en militants de partis.
Cette tendance à instrumentaliser les artistes pour gagner les guerres politiques n'a jamais spécialement profité au pays.
Plusieurs musiciens centrafricains ont fait le choix plus judicieux au regard du contexte très tendu, de composer des chansons patriotiques pour appeler leurs compatriotes à chérir le drapeau et tous les symboles de la nation.
Cette dernière attitude des musiciens a clairement fait de la musique, une arme efficace pour la résolution des conflits. Le titre « Non à la division » de l'artiste Thierry Yezo avec son groupe Formidable Musiki, a distillé une vive émotion dans le pays, décourageant les commanditaires de la partition de la Centrafrique en 1998, dans leur projet de faire de la région nord du pays, une République autonome baptisée « La République de la Logone » en référence au fleuve traversant cette région.
Toutes les autres crises et conflits que le pays a connu, n’a jamais laissé les musiciens indifférents.
Lors de la crise militaro-politique de 2001, la chanson « Baissez vos armes » du groupe de rap Sewa Soul a énormément contribué à apaiser la situation. Elle était diffusée en continue sur les ondes et reprise dans toutes les campagnes de médiation en vue de stopper la crise.
En février 2013 après la prise de Bangui par la rébellion Séléka, le groupe de travail de la société civile sur la crise centrafricaine, coordonné par le musicien Gervais Lakosso et l’Union des musiciens de Centrafrique, a organisé une grande caravane de la paix dans les artères de la capitale et dans quatre villes provinciales (Mbaïki, Bouar, Yaloké, Bossembélé). La caravane a été soutenue par l'organisation britannique Conciliation Ressources. Les artistes ayant participé à cette aventure, ont donné plusieurs concerts dans les quartiers et villes ciblés, pour tenter de briser la chaine de la division entre les communautés belligérantes.
En prélude au Forum national de Bangui, la grande assise pour la paix et la réconciliation qui s’est tenue en février 2015, a réuni 30 musiciens pour la composition d'un hymne à la paix. Le morceau a été chanté dans les principales langues du pays et a été reprise par plusieurs orchestres.
L’implication des musiciens dans ce forum a permis aux habitants des différentes régions du pays de se sentir concernés par la rencontre.
Outre l’exécution de l’hymne au forum, la chanson « Cessez le feu » de l'artiste Gervais Lakosso fut interprétée à la demande de madame Catherine Samba Panza, présidente de la transition.
Au cours de ce forum, la présidente a expliqué que si les Centrafricains faisaient un peu plus attention aux contenus des chansons écrites pour la paix, il n'y aurait sûrement plus de conflits dans le pays. Après cette grande rencontre, les artistes ont été mis à contribution pour sensibiliser le peuple au sujet des élections qui devaient suivre et qui se sont finalement déroulées de façon pacifique.
Gervais Lakosso a enregistré un album spécial pour la paix intitulé Lêgë tî Sîrîrî le chemin de la paix et a donné plusieurs concerts à Bangui.
Docteur Mandjeke a pour sa part enregistré un album baptisé Le pays de la paix. Lui aussi a donné plusieurs concerts de sensibilisation à la paix et à la cohésion sociale.
Le chanteur Ozaguin qui a mis sur le marché le single « I yé siriri » (nous voulons la paix), a lui aussi multiplié les apparitions dans différentes régions du pays.
Plusieurs autres artistes, orchestres ainsi que des groupes de musique religieuse, ont lancé de nombreuses initiatives dans ce sens. On peut citer entre autre, la manifestation « Les chantres unis pour la paix », le grand concert de gospel pour la paix ainsi que le festival national du gospel dédié à la paix.
La diaspora centrafricaine a également apporté sa pierre à l’édifice. La chanteuse Idylle Mamba a collaboré avec la légende sénégalaise Youssou N’dour sur un morceau intitulé « One Africa » sorti en 2014. La chanson a été très écoutée.
Le Collectif SOS Paix en Centrafrique, composé essentiellement d’artistes centrafricains de la diaspora a dévoilé en 2014 un single intitulé « SOS paix en Centrafrique ».
La contribution de la musique dans la résolution des conflits en Centrafrique est inestimable. Les musiciens s’engagent activement à travers des concerts et autres événements, qui permettent à la Centrafrique de retrouver le chemin de la paix.
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