Nitdoff fait cap sur l'Afrique
De son Louga natal (nord du Sénégal), il dit tirer une éducation qui fait de lui un talibé (élève d'une école coranique, par extension, personne dotée d'un sens moral élevé). Pourtant en 2009, c’est en « Kalachnikov » qu’il a fait une entrée fracassante sur la scène hip-hop sénégalaise, tirant sur tout ce qui lui semblait marcher à contre-courant des intérêts du mouvement. Depuis lors, le succès ne l’a pas quitté et chaque année ce sont des milliers de fans qui attendent son « Show Of The Year ». Nous parlons de Nitdoff Killah ! Quelques jours après avoir rempli le Grand Théâtre et le stade Iba Mar Diop, l’artiste a reçu Music In Africa dans son QG dakarois, le temps d’un petit débriefing et pour évoquer son autre actualité : l’album : Roi d’Afrique, dont la promotion va bientôt commencer.
Le clash avec le ministre...
C’est un Nitdoff très courtois qui nous accueille chez lui, malgré la fatigue et une actualité quelque peu chargée. Il nous avoue d’ailleurs « beaucoup dormir pour reprendre des forces ».
Pour cette année, Nitdoff, qui aime voir les choses en grand, voulait le Stade Demba Diop pour son « Show Of The Year ». Malheureusement, les autorités publiques ne lui ont pas accordé le droit de s’y produire, prétextant la tenue d’une journée de championnat de football.
Cet épisode a d’ailleurs occasionné un clash entre le ministre des sports, Mactar Ba, et Nitdoff. Partageant un plateau de télévision avec ce dernier, l’artiste a fustigé l’attitude des autorités qui lui ont refusé le stade alors qu’elles l’autorisent à un artiste étranger comme Maître Gims qui s’y produira en décembre. « Je n’ai rien contre Maître Gims, c’est un artiste que je respecte, mais nos gouvernements doivent soutenir les fils de ce pays », a protesté Nitdoff Killah.
« Show Of The Year » réussi
Malgré cet obstacle, Nitdoff Killah a réussi son pari. Sur deux jours, il a fait carton plein et joué à guichets fermés. « Au moment du bilan, nous sommes satisfaits. Contents d’avoir tenu le pari d’organiser sur deux jours un tel événement. Ce n’était pas évident en matière d’organisation, de budget et d’énergie, mais le formidable public qui est venu nombreux, nous a fait oublier tous nos efforts ; et nous avons relevé le défi ensemble » a précisé un Nitdoff satisfait de ses fans.
Pour lui, ces derniers ont fait preuve d’une maturité extrême. « Je tire un grand coup de chapeau au public sénégalais pour sa maturité et sa politesse. On ne le souligne pas assez, mais on a un public exemplaire avec un bon comportement », a-t-il tenu à faire saloir.
Pour Nitdoff, l’idée, à travers le « Show Of The Year », était de montrer que les grands concerts qui se tiennent en France ou aux États-Unis peuvent se tenir ici aussi, au Sénégal. « Ce n’est pas normal que les grands concerts aient lieu seulement en Europe ou ailleurs. Notre volonté était d’en faire ici, d’offrir à notre public des spectacles géants. J’ai toujours su que le public galsen était demandeur, seuls les acteurs avaient peur de prendre des risques, de se ridiculiser ou d’être la risée des gens en cas d’échec. Pour ce qui me concerne, je suis venu avec mon équipe et nous y avons cru. Mon souhait est de voir le rap Galsen décoller, que les partenaires arrivent et que toute l’industrie hip-hop s’y retrouve. Pour moi, c’est ici, au Sénégal, que cela doit se passer » martèle-t-il.
La polémique Booba
Au moment où fait rage la polémique sur les déclarations du rappeur franco-sénégalais Booba, qui a dit, au cours d’une conférence de presse, que le rap sénégalais reste méconnu, s’attirant ainsi les foudres des acteurs du hip-hop galsen, les propos de Nitdoff tombent comme une réponse anticipée (L’interview a eu lieu avant l’épisode Booba).
Pour Nitdoff, c’est le Sénégal et l’Afrique qu’il faut d’abord convaincre. Il s’agit de faire plaisir au public africain et de délivrer des messages positifs à la jeunesse afin que le continent puisse se construire un avenir meilleur. Des paroles pleines de sagesse. Même si au lendemain de notre rencontre, le sage artiste ressort sa kalachnikov, et c’est pour demander au DUC de Boulogne, ce qu’il a fait, lui, pour que le rap galsen soit connu ?
L'album Roi d'Afrique
Nitdoff, quant à lui, veut faire focus sur son continent et son pays. C’est pour cette raison qu’il a intitulé son 4e album, qui vient tout juste de sortir: « Roi d’Afrique ». Entre deux verres de thé (le thé n’est jamais bien loin à Dakar), et entouré des membres de son staff, Nitdoff s’est dit fier du nouvel opus parce qu’entièrement conçu en Afrique. « L’album a été conçu entièrement et totalement au Sénégal, mis à part le mastering, réalisé à Paris. C’est une première pour moi et je suis fier du résultat » s’est félicité l’auteur de Ragal dou Diégui rail (RDDR).
Pour Nitdoff, l’album, dont la phase de promotion va bientôt débuter, est signe de maturité et d’engagement. Une maturité qui intervient selon lui après des années de voyages, de rencontres et de scènes. Quant à l’engagement, il s’est consolidé avec la maturité naissante.
« La maturité et l’engagement qualifient bien cet album. C’est un album qui pose des questions sur nos vies, qui pousse celui qui l’écoute à trouver ses propres réponses … D’un autre côté, je rends hommage aux héros africains, toutes ces personnes qui se battent au quotidien pour que l’Afrique relève la tête. L’histoire africaine a été sombre, mais nous sommes un peuple de guerriers, de combattants et il faut rappeler cela parce que nous, les fils d’Afrique, avons perdu un peu ces repères. L’Afrique nous appartient et c’est à nous seuls de la construire » a plaidé le natif de Louga.
Le style de Roi d’Afrique propose du Nitdoff pur jus. Ouvert pour aller à la rencontre d’autres sonorités, il n’en reste pas moins fidèle à ce qui a fait sa renommée : le rap hardcore. Nitdoff déplore d’ailleurs le fait que beaucoup, dans le mouvement hip-hop aujourd’hui, soient tentés exclusivement par les vagues musicales venues du Nigeria ou d’Afrique centrale.
« Il ya de très bons groupes et de très bons rappeurs au Sénégal, il faut juste les inviter à ne pas trop changer leurs musiques pour adopter un style dans l’air du temps. Le Nigeria a su adapter et travailler sa musique traditionnelle jusqu’à en à sortir quelque chose d’originale qui leur ressemble. À nous de faire pareil » a-t-il expliqué.
Nitdoff et engagement
Par ailleurs, loin de l’engagement de certains rappeurs qui sont de plus en plus dans l’activisme, Nitdoff veut rester artiste et uniquement artiste. Il ne veut pas que son message soit parasité ou détourné.
« Je suis un artiste d’abord. Et par mes textes, par ma musique, je m’engage pour une Afrique meilleure. Je parle de politique, de social, d’éthique, d’exemplarité etc. Je crois en la force de la musique et des textes engagés. J’ai beaucoup de respect pour ces mouvements auxquels vous faites allusion, mais je ne suis pas encore prêt à prendre une telle voie. Si on m’écoute et que mes messages passent, c’est à travers ma musique, donc je tiens à garder un fort coté artistique. C’est en nourrissant mon art que je pourrais continuer à impacter sur la vie des gens qui m’écoutent. Je ne suis pas là pour faire le travail de l’opposition ». C'est on ne peut plus clair !
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