Ode B, le rappeur activiste le plus recherché du Sénégal : entre bravoure et persécution

 Une figure de résistance en danger

Actif sur la scène musicale depuis 1995, Ode B s'est toujours présenté comme « la voix des sans-voix », dénonçant les injustices, la corruption et la malgouvernance au Sénégal. Mais son engagement farouche, qui lui a valu de nombreuses menaces par le passé, semble aujourd'hui plus risqué que jamais. Le rappeur est recherché pour des accusations graves, dont outrage aux magistrats, appel à l'insurrection et trouble à l'ordre public. Ces charges découlent des émeutes sanglantes de juin 2023 à Pikine, dans la banlieue dakaroise, au cours desquelles des bâtiments publics et privés ont été saccagés, causant plusieurs morts, dont des membres des forces de l'ordre.

Bien que ces accusations soient punies par des peines pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison, Ode B ne recule pas. Son combat pour la justice et la transparence ne cesse de déranger les puissants, qu’ils appartiennent à l'ancien ou au nouveau régime. Avec son nouveau single, « Bëg naa » (qui signifie « Mon souhait » en wolof), il s'attaque directement à la loi d’amnistie récemment votée par le gouvernement, la qualifiant de protection pour les corrompus et les criminels. Selon lui, « tous ceux qui ont commis des crimes lors des émeutes de 2023, qu'ils soient de l’ancien ou du nouveau régime, doivent être jugés ».

 Un homme traqué

Ode B n'en est pas à ses premières démêlées avec la justice sénégalaise. Déjà en 2019, il avait été victime d’une violente agression après avoir reçu des menaces de mort liées à ses positions politiques. Son studio d’enregistrement, Sound Vision Records, basé à Zak Mbao, avait été saccagé et cambriolé, et l'ensemble de ses projets musicaux volés. Malgré cela, il a toujours refusé de se taire, continuant à dénoncer les abus du pouvoir en place, que ce soit sous Wade ou sous Macky Sall.

En juin 2023, après la mort tragique de son ami et camarade, le rappeur Baba Kana, abattu par balle lors des manifestations, Ode B a publiquement accusé de hauts responsables de la police et de la gendarmerie d’être impliqués dans des actes criminels. Ces déclarations ont aggravé sa situation, le mettant encore plus en danger. Aujourd'hui, il est recherché non seulement par les autorités mais aussi par des groupes liés à des personnalités influentes, selon des sources proches de la banlieue dakaroise.

Un engagement sans compromis

Ode B n’a jamais caché son rejet de l’influence étrangère au Sénégal. Dans « Bëg naa », il appelle également au départ de l'armée française du sol sénégalais et à l'instauration d'une nouvelle monnaie en remplacement du franc CFA. Ce morceau reflète l’étendue de ses revendications, allant de la justice sociale à l’indépendance économique, dans un contexte de tensions politiques grandissantes au Sénégal.

Bien que le changement de régime ait apporté une lueur d’espoir à de nombreux Sénégalais, Ode B reste critique à l’égard du pouvoir actuel. Pour lui, la lutte pour une véritable justice est loin d’être terminée. "Le peuple a le droit de savoir, et tous les coupables doivent être jugés", martèle-t-il dans ses dernières interviews, répétant que l'amnistie ne fait qu'enfouir sous le tapis les crimes de l’ancien régime, mais aussi ceux du nouveau pouvoir.

Un exil nécessaire

Depuis septembre 2023, selon nos sources, Ode B se serait réfugié au Canada, où il aurait demandé l'asile politique pour échapper à la traque dont il fait l'objet. Ce nouvel exil pourrait lui permettre de poursuivre son combat à distance, tout en assurant sa sécurité, mais aussi de sauvegarder sa carrière artistique, gravement menacée par la répression à son encontre.

Dans l’attente des prochains développements, Ode B continue de captiver l’attention avec son message de résistance, et son engagement pour la justice et la vérité. Toutefois, sa situation demeure critique, et l’on ignore combien de temps il pourra encore échapper aux autorités qui le traquent sans relâche. Sa musique, désormais une arme de contestation, pourrait bien lui coûter sa liberté… ou même sa vie.