Singuila : « Dans la musique, rien n’est jamais gagné d’avance ! »
45 ans, 6 albums et plus de 20 ans de carrière - Bedaya N'Garo Singuila ou simplement « Singuila » pour les fans, est sans conteste, l’une plus grandes voix rnb de l’Afrique.
C’est enthousiaste qu’il a livré dans cette interview, les secrets de sa remarquable longévité aux devants de la scène urbaine du continent et de sa diaspora. Entretien.
Bonjour Singuila ; cela fait plus de 2 décennies que tu évolues au top de la scène urbaine africaine, et malgré le temps qui passe, tu réussis toujours à maintenir ton rang. Quel sont, selon toi, les secrets de la longévité au sommet ?
Bonjour Jean de Dieu ; pour moi tout réside essentiellement dans la passion et la dévotion que l’on accorde à la musique…
Mais il faut aussi savoir se remettre chaque fois en question et pouvoir accepter les critiques, les plus constructives comme les plus acerbes, et y trouver des tremplins pour se relancer à chaque saison.
Ma musique, je l’assimile à des tresses et pour la maintenir vivace, je rajoute régulièrement des mèches aux colorations différentes.
Ces mèches symbolisent tous les ajustements que je dois faire pour continuer de plaire à un public dont les goûts changent continuellement. Il faut toujours revoir le choix de son style musical et travailler sur le format de ses œuvres (la longueur des chansons, le mode de composition, etc.).
Pour rester au top, il faut aussi savoir se fier à l’oreille des auditeurs car ce sont eux qui guident les tendances. Il faut connaître leurs goûts et toujours trouver les meilleurs moyens de les satisfaire.
Après 2 décennies de carrière, je sais aujourd’hui que dans la musique, rien n’est jamais gagné d’avance.
Tu peux avoir tous les titres et prestigieuses distinctions du monde, mais à la sortie de ton nouveau single ou album, le succès n’est jamais garanti. Il ne faut donc à aucun moment, se laisser gagner par la suffisance, mais toujours travailler avec sérieux et application.
Singuila, « Linga nga » ta récente production en featuring avec Gaz Mawete, remporte un franc succès sur la toile avec plus d’un million de vues sur YouTube en 3 semaines. Quelle est l’histoire de cette collaboration ?
J’ai voulu me connecter à la source des musiques congolaises qui sont un héritage pour le monde désormais, et pour cela, j’ai entrepris une sorte de pèlerinage à leur « Mecque » qui est Kinshasa, la bouillante capitale de la République Démocratique du Congo (RDC).
J’ai choisi de me laisser guider dans ce voyage passionnant, par ceux qui sont les nouveaux apôtres de ces musiques, à la suite des légendes que l’on n’oubliera jamais comme feu Papa Wemba ou encore Koffi Olomidé qui chante toujours.
Sur « Linga nga », j’ai donc précisément travaillé avec Gaz Mawete. J’ai fait sa rencontre en 2016 à l’occasion du tremplin The Voice Afrique Francophone, alors que j’étais coach.
L’aventure avait hélas été brève pour lui, mais nous, coachs, avions tous détecté quelque chose de puissant dans sa personne, une forte énergie. En l’éliminant très prématurément alors qu’il était plein de détermination, nous l’avons énervé et réveillé le monstre en lui !
Aujourd’hui, Gaz est un créateur que j’aime et que je respecte vraiment, tant pour ses qualités artistiques qu’humaines. Des fois, il t’écrit juste pour prendre de tes nouvelles et c’est vraiment plaisant.
La collaboration a été très naturelle ; je suis allé chez lui, il m’a reçu et nous avons décidé sur un coup de tête de nous enregistrer. Dans mon parcours, j’ai rarement eu des expériences aussi fluides. Cette collaboration m’a permis de mesurer combien Gaz est fort, créatif et puissant…
Pour parfaire l’œuvre, on s’est dit qu’on allait être critiques et très durs avec nous-mêmes, qu’on allait se parler sans filtre pour améliorer le rendu et cette démarche a finalement porté ses fruits.
« Linga nga » signifie « aime moi » en lingala, la langue congolaise. Nous mettons en parallèle dans le morceau, la relation de couple et l’amour fraternel, et nous présentons différents éléments qui peuvent les affecter : la confiance, la trahison et la faiblesse humaine.
Il y a vraiment différents positionnements à prendre autour de cette histoire, selon l’oreille et la sensibilité de celui qui l’écoute.
Je dois préciser que « Linga nga » est le premier extrait du vaste projet Congo qui paraîtra prochainement.
Pour la préparation de cette interview, j’ai demandé à des fans de suggérer des questions et j’ai eu Ange Boussougou, une mélomane du Gabon, qui demande pourquoi Singuila chante pour les femmes ? Est-ce un choix stratégique parce que les femmes seraient plus nombreuses que les hommes et qu’elles représenteraient une plus grande cible commerciale ?
(Rires) – pour répondre à cette question, je vais tout de suite faire une précision : je chante l’amour !
Quand il est question de ce sentiment, très souvent les femmes se sentent concernées, tandis que les hommes n’assument pas.
C’est peut-être cela qui fait dire aux gens que je chante pour les femmes. Mais en vrai, l’amour c’est pour tout le monde.
D’ailleurs, « Linga nga », mon nouveau single dont nous parlions plus haut, s’adresse surtout aux hommes.
Nous avons tous connu ces situations où tu pars en mission ou en voyage d’étude et tu apprends que derrière, ta copine s’est finalement mise avec ton frère, ton cousin ou ton ami.
Ce sont des réalités que nous hommes connaissons et les sujets d’amour nous concernent autant que les femmes !
Une nouvelle saison du télécrochet The Voice Afrique Francophone se prépare en Côte d’Ivoire. Doit-on s’attendre à te voir remettre ton costume de coach prochainement ?
Non Jean de Dieu, je pense avoir fait ma part pour The Voice !
Je suis plein de gratitude parce que ce fut une très belle expérience. À travers les yeux des talents rencontrés, j’ai retrouvé des sensations que moi aussi j’ai connues au début de ma carrière, quand personne ne te connaît encore et que tu te dis : « il faut que je fasse mes preuves – il faut que je réussisse – c’est la première fois que le monde va me voir, il faut que brille ce soir…»
Je les ai même quelque peu enviés parce que cette partie de la carrière est indéniablement celle la plus riche en émotions, je le sais après mes 2 décennies de parcours aujourd’hui.
J’ai vu dans ce programme pour lequel j'ai eu le plaisir de travailler, des jeunes pétris de talent, mais certains avaient encore besoin de muscler leur mental, car le métier de la musique est difficile, instable et même souvent ingrat.
J’ai même poursuivi les relations avec certains talents et produit le Camerounais Ful qui m’a offert des sensations mémorables lors de son passage à la saison 2 du télécrochet.
The Voice Afrique Francophone a été une belle aventure, mais cette page est désormais tournée pour moi.
Singuila, tu as des origines centrafricaines ; suis-tu la scène musicale de ce pays et connais-tu les artistes qui y évoluent ?
Oui il est bon de préciser que j’ai des origines centrafricaines et c’est même ce côté-là qui est évoqué en premier quand on m’appelle « Singuila » car ce nom d’artiste est un mot sango (langue de la Centrafrique) qui signifie « merci ».
Pour le reste, je dois dire qu’il m’arrive de découvrir des jeunes artistes centrafricains sur Internet et de reposter ce qu’ils font.
Je suis quelqu’un de très curieux et je suis vraiment amoureux de la musique. J’aime donc parcourir la toile, découvrir des perles et les présenter au monde du mieux que je peux.
Mais pour le moment, je ne suis pas spécialement en contact avec des artistes centrafricains, mais je ne suis pas fermé et je ne demande qu’à les connaître.
Je profite aussi de cette occasion pour les appeler à travailler durement car la compétition est désormais internationale avec Internet ; ce qui ne prend pas à Bangui peut prendre à Brazzaville, à New York ou ailleurs autour du globe. Il est passé, le temps où l’on ambitionnait d’être juste le meilleur chanteur de son quartier. Maintenant la cible c’est le monde et pour l’atteindre, il faut vraiment travailler et toujours rechercher l’excellence.
Singuila, un dernier mot sur ton actualité pour boucler cette interview ?
Avec « Linga nga » et le projet Congo, je pense avoir déjà dit l’essentiel sur mon actualité musicale. Je pourrais juste ajouter que je produis désormais un jeune artiste qui s’appelle Bry et j’espère que le grand public va vite le découvrir.
Ce n’est peut-être pas une actualité musicale, mais je tiens également à annoncer que j’ai lancé une marque de lunettes qui est dénommée « Caché ».
Nous avons eu l’immense privilège d’être sollicités pour défiler à la prochaine Fashion Week de New York, aux États-Unis. La marque a un site web et on peut y suivre toute son actualité.
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