Comment gagner sa vie en tant que musicien au Maroc
La majorité des musiciens gagent leur vie grâce à la scène. L’évènementiel constitue le gagne-pain principal des praticiens de la musique dans le royaume marocain. « Si le musicien ne se déplace pas, l’argent ne vient pas à lui », c’est ainsi que les créateurs décrivent eux-mêmes leur quotidien. Un grand nombre d’entre eux a un second métier pour arrondir leurs fins de mois, d'aucuns essaient de s'en sortir par le seul moyen de leur art, mais avec beaucoup de peine.
Les concerts
Les festivals, soirées privées, concerts en club, l’évènementiel en général, est la source de revenu majeure des musiciens au Maroc.
Dans les grandes villes, le cachet minimum pour un groupe de musique live animant une soirée, tourne autour de 800 dirhams. « Dans les clubs nous ne sommes pas bien payés, nous jouons pour le plaisir. C’est dans les festivals que nous gagnons de l’argent » explique Majid Bekkas, musicien qui a su faire voyager l’art tagnaouite vers d’autres cieux. « Mais pour pouvoir tourner dans un festival, il faut avoir enregistré un disque, fait des rotations en radio, etc », ajoute-t-il. L'autre option pour le musicien qui souhaite passer dans de bons festivals, c'est avoir un carnet d’adresse bien fourni et des contacts puissants.
Les plus chanceux des groupes d’animation ont des résidences dans certains clubs et des endroits qui les sollicitent pour travailler sur une période relativement longue. Ils réussissent donc à tenir le long d'un mois.
« Je joue pratiquement tous les soirs au Bistrot Chic à Casablanca, notamment deux jours par semaine et le weekend dans des endroits différents. On maximise le nombre de spectacles dans nos agendas pour mettre des sous de côté », a confié Adil Kaghat, musicien à Casablanca, qui joue tantôt seul (guitare-voix), tantôt avec son quintet « Midnight Train ».
De plus en plus d’endroits demandent des formations réduites par manque de place ou de budget.
Les droits d’auteur
Censé être une source de revenus importante pour les créateurs, le Bureau des Droits d’Auteur du Maroc (BMDA) n’accomplit pas sa mission comme il se devrait. Tous les musiciens ne perçoivent pas leurs droits, ou plutôt, la majeure partie d'entre eux.
« On ne s’est jamais inscrits ; on sait comment le bureau fonctionne et combien les pensionnaires perçoivent. Le fait de ne pas s’inscrire est une façon de dire non à tout cela et de refuser d'adhérer à un système qui ne valorise pas les artistes », explique un artiste interrogé sur le sujet.
« On ne veut pas cautionner leur politique, leur fonctionnement et le mode de rétribution des artistes », confie Hatim de H-Kayne, un des groupes de référence au Maroc, qui totalise plusieurs millions de vues sur YouTube.
Des artistes comme Fnaïre, L’Bigg ou encore Sy Mehdi ne perçoivent rien du BMDA alors que leurs œuvres sont en rotation. « C’est un débat de générations ; l’égalité au niveau de la répartition des droits d’auteur n’est pas respectée. Il y a une élite d’anciens qui a la mainmise sur la société de collecte. Ce sont les mêmes noms qui reçoivent les bénéfices et les jeunes en ont assez de cette situation », fait remarquer l’ex-directeur du BMDA.
Chaque année, ce sont 250 millions de dirahms de droits d’auteur qui ne sont pas reversés correctement. Un système de reconnaissance aurait été institué pour assurer une sorte de retraite heureuse aux anciens, à en croire les affirmations de l’ancien directeur.
Au sujet de la répartition des droits, Younès Boumehdi, patron de Hit Radio, première radio musicale au Maroc explique : « Je n'ai des informations plus ou moins claires que sur la répartition qui a concerné Hit Radio pour les années 2015, 2016 et 2017. Environ 50% de la somme versée a été redistribuée aux artistes inscrits au BMDA. Les autres qui sont inscrits à l'étranger doivent attendre la relance de la coopération entre le BMDA et la SACEM, et ceux non inscrits au Maroc ou ailleurs, ont trois ans maximum pour le faire sinon ils perdront les sommes qui leur sont réservées ».
Les subventions de l’état, bourses et aides
De façon ponctuelle, l’état aide à la création ; cela concerne des projets artistiques de paroliers, compositeurs, chanteurs, arrangeurs et instrumentalistes, financés à hauteur de 300.000 dirhams, versés en deux tranches. Mais ce genre d’initiative reste pour le moins aléatoire et semble fluctuer à chaque changement de gouvernement.
De plus, cette subvention ne concerne pas tout le monde ; il faut avoir une carte d’artiste et être un musicien à créations originales. « Qu’en est-il donc des autres artistes ? », demande Majid Bekkas.
D’autres sources de revenus pendant l’année aident les créateurs. L’institut Français par exemple, propose des résidences de création pour aider les professionnels de la culture. De nombreux musiciens, porteurs de projets de tous genres, en bénéficient souvent.
« L’Institut Français du Maroc (IFM) apporte son appui à la jeune génération et aux professionnels du milieu culturel à travers le lancement d’un appel à projets annuel, dans le cadre de son programme de subventions aux associations marocaines », a expliqué Majid Bekkas. « Cet outil précieux permet à l’IFM d’agir comme levier de développement pour les initiatives culturelles locales », explique le site de l’Institut Français.
Plusieurs institutions étrangères jouent le même rôle ; c'est le cas de l'Institut Cervantes pour l’Espagne, l’Institut Italien, le Goethe-Institut pour l’Allemagne, l’Ambassade des États-Unis qui avait offert une tournée de 40 jours aux groupes Hoba Hoba Spirit et Ribab Fusion pour faire découvrir la nouvelle scène marocaine au monde, et la Wallonie- Bruxelles au Maroc.
Dans le cadre de la 7e session de la Commission Mixte Permanente Maroc/Wallonie-Bruxelles (2018-2022) d'ailleurs, Wallonie-Bruxelles International et le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports - Département de la Culture du Maroc, octroient, pour l’année 2020, 3 bourses de stage professionnel d’une durée d’un mois dans des structures culturelles en Fédération Wallonie-Bruxelles.
« Au Maroc, ce sont souvent les institutions étrangères qui nous viennent en aide et pensent à nous. L’état nous oublie », déclare un jeune musicien de la nouvelle scène marocaine.
Les meilleures opportunités, elles sont le plus souvent réservées aux artistes ayant une certaine renommée. Les campagnes publicitaires permettent à des artistes reconnus, de gagner de jolies sommes. Des entreprises comme le groupe Addoha, Inwi ou encore Lessieurs et Nivea font appel à ces derniers pour sublimer leurs images.
En général, le musicien au Maroc peut gagner décemment sa vie en enchaînant les concerts, en se faisant accompagner par des festivals, des instituts ou des entreprises privées ; le grand problème reste tout de même la constance du revenu. La pandémie du coronavirus que le monde connaît en ce moment, a pointé les failles d’un système qui ne reconnaît pas les droits des musiciens dont les revenus sont fortement limités et dépendent d’une bonne conjoncture.
Bibliographie :
- Ministère de la Culture, le site : https://www.minculture.gov.ma/fr/
- Institut français au Maroc : https://if-maroc.org/
- Wallonie-Bruxelles International : http://www.wallonia.ma
- Bureau marocain des droits d’auteur : https://bmda.ma/ et https://www.sacem.fr/
- Entretiens professionnels et musiciens
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Édité par Lamine BA
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