Paco Diatta : « Ma musique a voyagé et moi aussi »
Cela fait plus d'une décennie que Paco Diatta parcourt les scènes d'Europe et du monde, pour exposer sa musique aux parfums de la Casamance (Sud du Sénégal).
De passage dans les locaux de Music in Africa à Dakar, l'artiste sénégalais a retracé dans un entretien exculsif, son périple aux escales passionnantes.
Bonjour Paco Diatta, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour Jean, je suis un auteur-compositeur et arrangeur, enfant du Sénégal. Je suis né et j'ai grandi en Casamance, c'est là-bas que j'ai appris tout ce que je sais faire. À en croire ma mère, depuis ma tendre enfance déjà, j'étais amoureux du rythme. Tout ce qui traînait à la maison (ustensile, bouteille vide, etc) s'improvisait tout de suite en instrument de percussion dans mes mains.
Oumar Diatta à l'état civil, je suis homonyme de mon grand-père et pour cela, je me fais appeler Pape en famille.
Pour ma carrière d'artiste, j'ai adopté le nom Paco.
Comment définissez-vous votre musique ?
Ma musique est un rendu d'expérience et de vécu ; je l'ai baptisée afrotronix. Il s'agit d'un mix de rythmes casamançais, sénégalais et électronique, dans lequel les publics occidentaux et afro peuvent se retrouver.
Je conseille d'ailleurs ce genre de fusion à mes camarades artistes, ceux du Sénégal notamment, pour leur permettre d'élargir leur audience.
Pape est finalement devenu Paco ; que faut-il retenir de ce parcours ?
Tout a débuté avec le saxophone à Ziguinchor (Sénégal). Je me suis initié à cet instrument auprès de Jean Jacques, un saxophoniste et trompettiste très connu dans la région casamançaise. J'ai intégré une section de cuivre je jouais même les 4 avril pour la fête de l'indépendance.
Hélas, je n'avais pas de saxophone à la maison. Comme je devais quitter mon école et par la même occasion mon orchestre, je me suis offert une guitare et l'apprentissage fut aisé, car le saxophone m'a permis de développer une certaine dextérité.
Très tôt, je me suis lancé dans les variétés, interprétant des artistes comme Jimmy Hendrix ou encore Phil Collins. Mais pour m'épanouir vraiment, il me fallait m'entourer de personnes passionnées. J'ai donc créé le groupe Téré (droit chemin), avec lequel j'ai évolué avant de rejoindre plus tard Casa African Dreams.
Après ces deux expériences, jai monté un petit orchestre avec des amis d'enfance et nous avons remporté une compétition régionale. Cela m'a fortement motivé et j'ai rejoint Dakar, la capitale sénégalaise, qui avec son dynamisme, représentait une chance pour ma jeune carrière.
J'y ai intégré le groupe de reggae B-One Africa et nous avons eu une tournée grâce au promoteur Gaston Madeira, qui m'a d'ailleurs inivité pour l'édition 2019 du Dakar Music Festival qui se tient ces jours-ci à Dakar. Au terme de l'aventure, nous avons remporté un concours de musique qui nous a permis de nous produire et de gagner en visibilité.
Plus tard, DJ Prince, un ami, m'a recommandé de me lancer un peu plus dans les musiques locales, car je surfais surtout sur du reggae et du cubain, des styles importés. Je me suis donc associé à l'artiste Dial Mbaye, pour sortir le titre mbalakh « Bété bété », qui a été un vrai succès. Ma seconde rencontre, très importante elle aussi, fut avec Cheikh Tidiane Tall, excellent guitariste et Aziz Dieng, musicien chevronné. Ils m'ont permis de me faire connaître encore plus et c'était vraiment parti pour une longue carrière...
Avec l'artiste peul Abou Dioubaté, rencontré plus tard, j'ai réalisé une tournée africaine et j'ai commencé à jouer en France. Je me suis produit à la mythique salle du Bataclan, sans même savoir que j'étais sur une place historique.
Je me suis finalement installé en Europe et j'ai choisi de poursuivre mon aventure en solo. Je me suis d'abord associé à un collectif indien et nous parcouru différentes scènes pour une série de spectacles baptisée Afro India Project. Notre musique combinait savamment les sonorités d'Afrique et les musiques cadencée de la péninsule indienne. Après cette belle expérience, j'ai définitivement monté mon propre projet, l'afrotronix...
Où vous a mené l'afrotronix justement ?
Ma musique a voyagé et moi aussi ! J'ai parcouru de nombreuses scènes et fait de belles rencontres grâce à l'afrotronix.
J'ai par exemple été invité dans différentes villes européennes, pour assurer les premières parties d'artistes célèbres comme les reggaemen jamaïcains Ky-Mani Marley et Coco Tea, le tanzanien Eddie Kenzo, le groupe sénégalais Touré Kunda ou encore le nigérian Femi Kuti.
Entre autres succès enregistrés avec ma musique, ma participation cette année au Defi Wind, sans conteste le plus grand rassemblement de windsurfeurs au monde.
Il y a également la Fête des jumeaux où j'ai été le premier africain à me produire en France. C'est un événement unique, où tu rencontres jusqu'à 1500 jumeaux de tous les genres, qui viennent célébrer leur ressemblance en musique.
Voulez-vous Mr Paco Diatta nous parler un peu de votre discographie ?
Oui bien sûr ! Je viens à peine de sortir un album titré C'est comme ça (2018) ; il est empreint de mon style l'afrotronix et des vibes de l'afrobeat. J'y chante en plusieurs langues, notamment en balante, en diola, en français et en anglais, pour universaliser un peu plus mon message.
Mais avant cela, j'ai sorti Badindia en 2001 et un autre opus, La paix en Casamance. Pour la petite histoire, j'ai enregistré le second disque dans ma région tant aimée, ce qui avouons-le, n'était pas gagné.
En Casamance, il n'y avait quasiment pas de studio d'enregistrement de qualité. Quand je me suis installé en Europe, j'ai pu m'équiper de 24 000 watts de sons et lumières, pour produire mes propres spectacles au début.
Quand j'ai commencé à être approché par des promoteurs et des labels décidés à me produire, je n'avais plus spécialement besoin de tout ce matériel ; je l'ai donc acheminé à Ziguinchor, pour ouvrir le studio Anala Productions où j'ai enregistré La paix en Casamance, alors que la région était frappée par une terrible mutinerie.
J'ai aussi sorti un CD, Hommage à Bala, et un disque titré Strat Kindele (en flammand), qui parle de la triste condition des enfants de la rue. La dernière production m'a permis de me faire découvrir du public belge.
Je travaille actuellement avec mon manager Jean Gabin Coly, Marina Vilarrasa en Espagne et Maître Sally Dabo, sur un nouveau disque pour rendre hommage à la femme. Je devrais l'enregistrer chez moi en Casamance.
La Casamance est clairement une partie de vous et vous la défendez dans votre art. Quel regard avez vous de cette région aujourd'hui ?
Nous avons traversé des moments difficiles, ma Casamance a longtemps connu la guerre. Terrorisés par la violence et les bruits des armes, nous avons longtemps désiré une seule chose : la paix !
Maintenant que la région est tranquille, j'aimerais appeler tous ses fils exilés, avec leurs compétences multiples, à revenir la reconstruire.
La Casamance est belle, verte, elle mérite d'être développée. Des possibilités y sont offertes dans différents secteurs comme le tourisme, l'agriculture, etc.
Je vois des indiens et des pakistanais venir s'enrichir gracieusement en cultivant la noix de cajou. Ils exploitent parfois des paysans à qui ils versent des miettes. L'État sénégalais pourrait par exemple investir ce marché et le rendre plus profitable aux enfants de la région.
Pour ma part, j'ai décidé de passer 6 mois en Casamance cette fois, c'est ma façon de montrer à tous les exilés qu'il est grand temps de rentrer et d'agir.
La chanson « Oudial » de mon dernier album, demande aux fils de la Casamance de rentrer.
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