5 questions à Djazia Satour
Enregistrée dans le cadre de la collaboration entre l’agence de production Tartine et les spécialistes du son alternatif Pure Capture, la chanson inédite de l’artiste franco-algérienne Djazia Satour « Zintkala », réalisée dans la forêt de Brocéliande, est une excellente entrée en matière pour nous faire plonger dans l’univers de l’artiste.
Dans cet entretien Djazia revient sur son parcours et cette expérience riche en émotion.
Bonjour Djazia, vous chantez depuis plus d’une décennie, un petit mot sur toi pour nos lecteurs.
Je suis née en Algérie, bercée et nourrie, très jeune, par plusieurs univers musicaux qui vont de la pop, au châabi algérien, de la variété française aux classiques de la chanson arabe. Des artistes comme le syrien Sabah Fakhri ou encore Renaud et Elvis Presley ont marqué mon enfance.
Quand je suis arrivée en France à l’âge de dix ans, j’ai très vite eu l’envie de chanter. Ma passion pour la musique s’est convertie en besoin vital et essentiel, comme un moyen de s’ancrer dans une continuité affective et de préservation d’une identité.
Après mes débuts en tant que choriste dans la formation Gnawa Diffusion, j’ai vécu ma première expérience réellement personnelle au sein du groupe trip-hop électro MIG, en tant que compositrice et interprète, avant d’entamer ma carrière solo. (Rires- peut-on qualifier une carrière musicale de solo ?). C’était il y a dix ans au cours desquels j’ai sorti trois albums dont le dernier Aswat en 2018, un disque que je vis comme un retour aux sources avec un hommage que j’ai voulu rendre aux instruments emblématiques du chaabi algérien comme la mandole, le banjo, le tar et bendir (instruments à percussion).
Aswat semble un album très intimiste, tu confirmes ?
C’était aussi pour moi l’occasion d’aborder, en adoptant entièrement un chant en arabe, des thèmes plus graves tels que ceux de la dépossession, de l’exil et de l’errance, inspirés par le vécu des réfugiés, des migrants, de ces jeunes « harragas » du Maghreb qui rejoignent l’Europe en affrontant la mer au péril de leur vie. Je dédie également dans cet album, deux chansons aux Palestiniens qui vivent un exil sur leur propre terre, soumis à la violence extrême de l’Etat d’Israël.
Une bien triste histoire se cache dernière ta chanson inédite, « Zintkala », peux-tu nous en parler ?
Zintlaka est une chanson écrite en hommage aux peuples autochtones victime du génocide colonial, notamment sur le continent américain. J’y prends comme figure emblématique Zintkala Nuni (Lost Bird), rescapée à l’âge de 4 mois du massacre de Wounded Knee commis par le 7e régiment de cavalerie américain, le 29 décembre 1890, dans lequel 400 Sioux Lakota, hommes, femmes et enfants, sont morts sous la mitraille. Seule survivante, retrouvée dans les bras de sa mère morte, elle est recueillie par un soldat américain comme un trophée. Déracinée, livrée à une société blanche qui la persécute et la marginalise, elle a mené une vie brève passée dans la souffrance et la maladie. Mais un siècle après avoir été séparée des siens, ses restes ont été inhumés à leurs côtés sur les lieux mêmes du massacre. C’est cette séparation et ce retour qui sont bouleversants. Au-delà de la mort, un espoir s’est réalisé.
Pourquoi avoir choisi un personnage, un lieu et un peuple éloignés géographiquement et culturellement de ta réalité ?
Le drame de la dépossession et de la violence coloniale est le même sous toutes les latitudes et dans toutes les périodes de l’histoire. J’ai grandi avec le souvenir qu’on m’a transmis du colonialisme français en Algérie et de la lutte de libération. Ce genre de domination s’accompagne toujours d’une volonté d’anéantissement des peuples autochtones. Les Amérindiens l’ont subie d’une manière brutale qui n’a pas d’équivalent. Ils ont été les premières victimes de la volonté occidentale d’asservir le monde. Mais ils ont été les premiers à donner l’exemple de la résistance à la dévastation du monde, dont les effets catastrophiques rejaillissent aujourd’hui sur l’humanité tout entière. Traités comme des sauvages par la modernité occidentale, ils apparaissent aujourd’hui comme la civilisation authentique qui a été sacrifiée à la barbarie. Leur histoire tragique acquiert ainsi une portée universelle et Zintkala Nuni en est, par sa fragilité et son humanité même, l’une des héroïnes les plus emblématiques.
Peux-tu nous parler de cette expérience avec Pure Capture ?
La vidéo de la chanson « Zintkala » a été tournée à l’initiative de Tartine Production et Pure Capture en partenariat avec Radio Nova et Music In Africa*. Tartine et Pure Capture m'avait proposé la forêt de Brocéliande comme cadre de tournage. La proposition me paraissait cohérente, intéressante, l’esprit dans lequel la chanson a été composée pouvait s’accommoder de ce lieu où le mythe rejoint l’histoire et le sublime. Cela a été l’occasion de présenter la chanson telle qu’elle venait d’être composée et n’avait pas encore été éditée, cela nous a permis de lui donner une première forme. J’ai beaucoup aimé le concept de live musique. Étant familière avec l’acoustique, l’idée de prendre quelque chose sur l’instant m’a séduite. La chanson sera prochainement enregistrée, elle aura sans doute une autre forme musicale.
Vous pouvez découvrir toutes les vidéos produites par Tartine Production en collaboration avec Pure Capture ici.
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