La musique live au Zimbabwe
Par Kuda Charwadza
La musique live est importante au Zimbabwe: c'est le domaine le plus dynamique de l'industrie de la musicale, et il emploie des milliers de personnes. Ce secteur, s'il est bien soutenu et géré de façon professionnelle, a la capacité de contribuer de manière significative à l'économie nationale. Les centres communautaires, pubs, théâtres et boîtes de nuit accueillent divers styles de musique, la musique sungura étant le genre qui attire un large public tant dans les zones rurales qu'urbaines.
Les "points de croissance" (growth points) sont des centres ruraux où les musiciens Zimbabwéens, même les plus grands d'entre eux comme Oliver Mtukudzi and Thomas Mapfumo, jouent avant de devenir célèbres. Presque toutes les provinces du Zimbabwe possèdent un festival des arts qui a une grande influence musicale. Le festival le plus important est le Festival international des arts de Harare (HIFA - Harare International Festival of Arts), qui attire des musiciens venant du monde entier, créant ainsi une fête originale des musiques locales et internationales.
Lieux musicaux
Au Zimbabwe, la musique live se joue dans toutes sortes de lieux qui sont éparpillés dans le pays. Les amphithéâtres universitaires, théâtres, stades, centres communautaires, et boîtes de nuit accueillent la plupart des spectacles. Les genres comme le jazz, l'afro-fusion et le hip-hop sont le plus souvent joués dans des lieux huppés, tandis que la sungura et la dancehall se jouent généralement dans les zones populaires. Les centres communautaires comme Mai Musodzi Hall à Harare, Mpopoma et Njube à Bulawayo ont une grande importance historique, et plusieurs musiciens des années 80 y ont fréquemment organisé des spectacles. Presque toutes les grandes villes ont de grands théâtres et des stades qui sont utilisés pour des concerts; comme par exemple Mutare (Courtauld Theater), Masvingo (Charles Austin Theater), et Gweru (Gweru Theater). Cependant, certains de ces bâtiments sont vieux maintenant (la plupart ayant été construits avant 1980) et il y'a un manque d'investissement dans les infrastructures de spectacles musicaux.
Harare, la capitale du Zimbabwe, est le centre de la musique live, et attire des musiciens de tous genres. La ville possède certains des meilleurs artistes, les meilleurs lieux de divertissement, ainsi que des festivals qui accueillent à la fois des artistes locaux et internationaux. Avec sa population cosmopolite, Harare fournit aux musiciens un environnement propice pour présenter leurs talents artistiques. Par conséquent, la ville est un melting-pot de genres musicaux différents. Le Book Café est un lieu unique à Harare, et est célèbre pour la musique live. Ce lieu huppé est géré par Pamberi Trust, une organisation locale de développement des arts. Book Café accueille non seulement de grands artistes tels que Sulumani Chimbetu et Jah Prayzah, mais organise également chaque semaine des soirées amateurs permettant aux musiciens en herbe de démontrer leur talent.
Parmi les endroits où l'on peut assister à de la musique live à Harare, il y a Jazz 105, Pakare Paye, Zimbabwe-German Society, City Sports Centre, Stodart Hall, Mbare, Chitungwiza Aquatic Complex. À Bulawayo, il y a Large City Hall, Bulawayo Theater et la boîte de nuit Cape to Cairo.
Festivals et promoteurs
Il y a plusieurs festivals musicaux annuels au Zimbabwe. Chaque province accueille au moins un grand festival multidisciplinaire dominé par la musique, comme par exemple: Harare, Bulawayo (Intwasa Festival), Mutare (Chimanimani Festival), Masvingo (Dzimbahwe Arts Festival), Gweru (Midlands Arts Festival) et Victoria Falls (Vic Falls Carnival). Ces festivals sont souvent gérés par des organismes indépendants et sont sponsorisés par des organisations non gouvernementales, des ambassades ainsi que des entreprises privées. Culture Fund of Zimbabwe Trust est une ONG qui parraine plusieurs festivals au Zimbabwe.
HIFA est le plus grand des festivals au Zimbabwe: il attire des musiciens du monde entier, et c'est le point culminant de la musique live dans le pays. Chaque année, le festival met en vedette, pendant six journées palpitantes, les meilleurs artistes locaux et internationaux. Les critiques musicaux reprochent à HIFA de privilégier les musiciens étrangers par rapport aux artistes locaux. Mais, malgré cela, le festival attire les foules et présente plusieurs collaborations spectaculaires entre musiciens locaux et étrangers. Parmi les musiciens qui ont déjà participé au festival HIFA, il y a: The Magnets, Salif Keita, Dobet Gnahore, Mi Casa, Winky D et Mokoomba.
Le gouvernement du Zimbabwe organise souvent des galas pour commémorer les héros nationaux et à l'occasion des jours fériés. Ces festivités ont souvent lieu en dehors des grandes villes. Cela permet aux habitants des régions rurales et des zones éloignées d'assister à des spectacles de musique live et de pouvoir faire des affaires par le biais de l'organisation de ces spectacles. Plusieurs musiciens locaux se sont fait connaître grâce à ce genre de galas. Ces événements sont très populaires car ils sont généralement gratuits et sont retransmis en direct à la télévision nationale.
Delta Corporation est une entreprise qui parraine des festivals de musique, sous la bannière de ses différentes marques, en collaboration avec le Conseil national des Arts du Zimbabwe (NACZ - National Arts Council of Zimbabwe). On peut citer par exemple: Lion Lager Beer Festival et Chibuku Road To Fame; ce dernier étant un concours de talent organisé à travers le pays pour musiciens en herbe.
Plusieurs musiciens Zimbabwéens, en particulier ceux qui sont renommés comme Alick Macheso et Sulumani Chimbetu, organisent leurs propres spectacles afin de se faire plus de bénéfices.
Instrumentation et genres
Sur la scène de la musique live du Zimbabwe, la majorité des musiciens jouent leurs instruments en direct. Le public en a alors pour son argent et a, pendant des années, préféré ce genre de concert live. Cependant, avec la crise économique qui a frappé le Zimbabwe au cours des dernières années, les musiciens qui jouent en direct pendant les concerts (et qui sont presque toujours accompagnés par un groupe) ont du mal à se maintenir. Cela a permis à d'autres genres d'attirer un public plus large. Par exemple, les concerts de dancehall, dans lesquels les artistes se produisent sur fond d'enregistrement musical, sont très populaires.
Il est incontestable que la sungura est le genre qui domine la scène de la musique live autant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. En effet, la sungura attire le public le plus large dans le pays; à part à Bulawayo et dans les régions avoisinantes où le disco et d'autres styles de musique ont plus de succès. Populaire depuis les années 80, la sungura est très lucrative pour les musiciens, les promoteurs ainsi que les propriétaires des salles de concert. La popularité de ce style musical auprès des personnes âgées qui ont un revenu disponible explique en partie le succès des concerts de sungura.
La dancehall est de plus en plus populaire auprès des jeunes dans les grandes villes, en particulier dans les quartiers populaires où les tickets pour les concerts coûtent entre US$2 et $5. Le succès croissant de la dancehall s'explique par le grand nombre d'artistes jamaïcains de dancehall qui se produisent régulièrement au Zimbabwe. Par exemple, Mavado, Sizzla Kalonji, Capleton et Beenie Man ont donné des concerts réussis dans lesquels étaient inclus des artistes dancehall locaux.
Économie du spectacle
La musique live est devenue très importante dans la carrière musicale de plusieurs artistes au Zimbabwe car c'est la source la plus fiable (si pas la seule) de revenus. Le piratage endémique ainsi que le manque de sponsors font que les musiciens ne peuvent compter que sur les spectacles comme garantis de revenus. La production de spectacles bien organisés est donc d'une importance primordiale pour devenir un musicien à succès. Contrairement aux artistes d'antan qui ont fait fortune grâce aux ventes de disques, les musiciens d'aujourd'hui doivent rentabiliser au maximum les performances live. Par conséquent, plusieurs d'entre eux doivent donner des concerts jusqu'à trois fois par semaine pour maximiser leurs bénéfices. Les musiciens se font également engager pour animer des mariages et des fêtes d'entreprise.
Le Conseil national des Arts du Zimbabwe est le seul organisme qui peut autoriser les concerts des musiciens étrangers. De plus, cette organisation réglemente et octroie les licences aux promoteurs de musique. Il n'existe pas d'associations pour les artistes de la scène. Les promoteurs sont aussi des agents de réservation. En effet, il n'y a pas de distinction claire entre les deux rôles, et il n'y a pas de normes établies en ce qui concerne le paiement, lors des concerts, des artistes, ingénieurs du son ou des propriétaires de salles. La plupart du temps, les intéressés rédigent des contrats avant l'organisation d'un événement.
Artistes étrangers
Le public zimbabwéen répond bien aux concerts des artistes étrangers. Au fil des ans, des artistes venant du monde entier ont attiré un public considérable. Cela remonte à 1980, lorsque le légendaire Bob Marley s'est produit devant un stade comble, le Rufaro Stadium, à Harare. Parmi les musiciens qui ont fait des tournées dans le pays, il y a Akon, Slizer, Bryan Adams, P Square et Sean Paul. La plupart d'entre eux se sont produits devant une foule immense malgré que les prix des tickets pour leurs concerts étaient élevés. Certains musiciens, comme les stars internationales de dancehall Capleton et Sizzla Kalonji, sont venus au Zimbabwe plus d'une fois. Cela prouve qu'ils permettent aux promoteurs de faire de bonnes affaires. Au niveau de l'Afrique australe, un grand nombre de musiciens viennent de l'Afrique du Sud pour donner des concerts au Zimbabwe.
En conclusion, la musique live joue un rôle important pour la survie de toute l'industrie musicale. Cependant, de nombreux artistes ont du mal à maintenir les grands orchestres nécessaires pour produire des concerts. Harare est le point focal de tous les styles de musique live pour les artistes locaux et internationaux. D'autres villes, comme Bulawayo et quelques villes minières, reçoivent aussi de temps en temps des musiciens de premier plan. La crise économique que le Zimbabwe traverse menace la scène de la musique live. La chute d'audience par rapport aux années 90 le prouve, et cela affecte les revenus de ceux qui travaillent dans cette industrie. Cependant, l'avenir de la scène de la musique live du Zimbabwe peut être prometteur si les organismes et associations du secteur prennent des actions stratégiques.
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