Master Soumy : « le Mali est notre héritage commun »
Dans une atmosphère détendue et joyeuse, le rappeur malien Master Soumy qui était de passage à Dakar (Sénégal), a rencontré notre équipe de rédaction.
Bonjour Master Soumy, c’est un plaisir de te rencontrer. Faut dire que tu as été assez virulent lors tes dernières apparitions…
Bonjour. C’est vrai que j’ai été assez virulent et parfois très agressif vis-à-vis de notre système de gouvernance. Je tiens à le rappeler, je m’attaque à un système et jamais à une personne. Depuis un moment déjà, je me suis assigné la mission de sensibiliser le peuple, de le conscientiser, de susciter des réflexions sur les maux qui minent notre société. Artiste engagé et activiste que je suis, je n’hésite pas non plus à proposer des solutions à nos problèmes, même quand elles ne sont pas entendues.
Dès 1996, j’ai été influencé par des rappeurs comme Didier Awadi ou encore MC Solaar, dont les textes ont toujours été porteurs de messages forts. Ainsi pour moi, un texte de rap n’a de sens que lorsqu'il est engagé.
En dehors du rap, je me joins volontiers aux autres jeunes leaders du pays, pour des manifestations dans la rue. C’est le prolongement logique de mon engagement artistique.
Nous savons que tu es à Dakar pour prendre des équipements qui te serviront à lancer le Journal Télévisé Rappé (JTR) au Mali. Ce programme représente t-il une opportunité pour ton combat ?
Ce programme est un véritable tremplin ! C’est un concept que j’ai découvert sur les réseaux sociaux et j’ai tout de suite eu envie de le reproduire. Je compte réaliser le JTR avec d’autres artistes maliens engagés. Notre société est pleinement ancrée dans l’oralité et vouloir diffuser l’information par le canal du rap qui est un genre musical très apprécié, est à mon sens une superbe idée.
J’ai déjà eu la chance de participer à un épisode du JTR du Sénégal, pour contester la révision de la constitution malienne, envisagée par notre président et son gouvernement. Par mon reportage, j’ai voulu rappeler à tout le peuple malien, un précieux article de la constitution de 1992, qui défend toute révision quand l’intégrité territoriale est perturbée. L’occupation du nord-Mali est un secret de polichinelle, nous ne pouvions simplement pas accepter une révision constitutionnelle dans ces conditions.
Justement, en tant que musicien, qu’as tu à dire de la situation du nord-Mali ?
Primo, rappeler à tous que le Mali est notre héritage commun. Notre diversité ethnique et culturelle devrait être perçue comme une richesse et un atout, non comme un motif de séparation.
À mes frères du nord qui ont pris les armes pour exprimer leur mécontentement, j’aimerais adresser un message de paix. Leur mouvement armé peut se transformer en un parti politique, qui fasse ses revendications dans le respect de l’esprit démocratique.
J’aimerais aussi interroger la communauté internationale sur la nature réelle de son action au Mali. Je n’arrive pas à comprendre que malgré les forces de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA), celles de l’opération barkhane lancée par la France, sans oublier les troupes du G5 Sahel, nous sommes toujours qualifiés de foyer à tension.
J’aimerais que la France en particulier, clarifie sa position dans ce conflit. La devanture de son ambassade au Mali est devenue une place à sit-in, car le peuple pense que c’est elle qui continue d’entretenir cette guerre, pour ses intérêts égoïstes.
En tant que musicien dans ce contexte tendu, je dois toujours lancer des messages qui touchent le peuple, les autorités et même la communauté internationale.
Tu as participé au tournage du film Mali blues. Ce genre de reportage peut-il selon toi, favoriser le retour de la paix dans ton pays ?
Déjà je voudrais saluer le courage des réalisateurs de ce film-documentaire, une vaillante équipe allemande qui s’est donnée 3 années de travail acharné sur ce projet.
Le film propose une autre image du Mali qui n’est perçu aujourd’hui que comme terre de conflits, de djihadisme et de souffrance. Cette réalisation a le mérite de montrer un Mali vivant, c’est très plaisant.
Mali Blues interpelle aussi l’état malien sur la nécessité d’une politique de gouvernance qui intègre toutes les régions sans exception. Quand certains se sentent abandonnés et délaissés, ils nourrissent naturellement des désirs de rébellion.
Master Soumy, un mot sur ton actualité musicale ?
Je prépare actuellement un album hors série. Il ne contiendra que peu de titres. Mais il abordera des questions importantes. Au menu, une analyse de quelques faits sociaux qui affectent notre paisible cohabitation.
Je prépare aussi des concerts à travers l’Afrique et sur d’autres continents.
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