Opportunités pour les musiciens en Tanzanie
L’industrie de la musique en Tanzanie a subi de nombreuses mutations. Il y a dix ans, les musiciens gagnaient beaucoup d'argent grâce aux ventes d'albums à travers des distributeurs tels que Mamu Stores, GMC et Mwananchi – aujourd’hui, les musiciens ne peuvent en dépendre. Ce texte explore les possibilités actuellement disponibles aux musiciens en Tanzanie.
Les ondes radiophoniques
La radio est le principal outil de promotion pour les artistes. Elle est donc considérée comme un outil de marketing clé et en tant que tel, aucune redevance n’est versée pour une radiodiffusion. En effet, les stations de radio encouragent activement les artistes indépendants et imposent un droit considérable pour une diffusion aux autres. La diffusion limitée et les droits d'auteur sont les grands enjeux qui affectent les revenus des artistes. Peu de mesures sont prises pour faire respecter le droit d'auteur et assurer le paiement des redevances, et les bénéfices tirés de la vente des albums sont faibles, hormis quelques célébrités qui sécurisent un financement auprès de grandes marques ou de promoteurs. Il y a toutefois de l'espoir, avec l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs et d’amateurs d’art qui s’engagent au succès futur des entreprises musicales en Tanzanie.
Les stations de radio en ligne tels que Midundo Radio[i], qui diffuse de la musique de l’Afrique de l'Est et se concentre principalement sur les spectacles et les artistes émergents – semblent résoudre le problème de nombreux musiciens qui ne reçoivent pas assez de temps d'antenne sur les médias traditionnels. L’artiste n’a qu’à soumettre sa musique pour être diffuser, et cela gratuitement.
Les redevances
À l'heure actuelle, les redevances ne rapportent pas grand-chose aux musiciens. Il en est ainsi parce que la société Tanzanienne du droit d’auteur (COSOTA - Copyright Society of Tanzania)[ii] ne dispose pas de la technologie nécessaire pour assurer le contrôle et le suivi du nombre de diffusions d'une chanson sur les radios. Selon Doreen Sinare, PDG de la COSOTA, le processus d'enregistrement et la distribution se fait à partir du logiciel WIPOCOS, logiciel qui ne peut détecter toutes les chansons jouées par les médias sur le territoire. Cela affecte la répartition adéquate des redevances.
Cependant, l'émergence de l’organisme de gestion des droits des auteurs de l’Afrique de l’Est (CMEA - Copyright Management East Africa), dont le principal objectif est de réglementer les droits de propriété intellectuelle des artistes en Afrique de l'Est, verra bientôt la séparation de la COSOTA en tant qu’organisation chargée de la collecte et de la gestion des redevances sur la Tanzanie continentale. En travaillant en étroite collaboration avec la COSOTA, le CMEA recueillera les données de toutes les chansons diffusées sur la région Afrique de l'Est et les soumettra à la COSOTA, qui à son tour versera à l'artiste le montant requis. Le CMEA est le premier organisme à fournir ces services en Tanzanie. L’organisme vise également à reconnaître les compositeurs et producteurs de la chanson diffusée lors de la distribution des redevances.
Le CMEA tient également le compte du nombre de publicités sur des supports spécifiques et calcule le montant des redevances à verser à l’artiste. Cela est valable aussi longtemps que le musicien reste dans l'industrie. Les musiciens reçoivent ainsi des redevances à chaque fois diffusion. Un récent accord entre le gouvernement et le CMEA verra bientôt plus de musiciens bénéficier de la diffusion de leur musique, et nous espérons que beaucoup seront en mesure de générer suffisamment de revenus dans les années à venir.
Les spectacles
Le nombre de concerts et festivals en Tanzanie, plates-formes qui offrent aux musiciens l’occasion de montrer leur talent – est limité. Ceux-ci comprennent le festival de la musique de Karibu, le Festival de Bagamoyo, les concerts East Africa Vibes, le festival de la musique Gogo à Dodoma, le Festival de la musique Jambo à Arusha, Sauti za Busara à Zanzibar, le programme musical du Festival du Film International de Zanzibar (ZIFF), les manifestations Chap Chap au Nafasi Art Space et The Beat, organisé par Caravan Records sous la supervision de Mzungu Kichaa. Les musiciens du mouvement Bongo Flava attirent un énorme public aux festivals comme la Fiesta annuelle, qui se déroule sur trois mois et remplit des stades entiers dans toutes les grandes villes en Tanzanie.
Selon Fredrick Bundala du site local Bongo5.com[iii], "les spectacles sont les principales sources de revenus des musiciens. Un spectacle ne se fait pas sans bonne musique et vidéo promotionnelle. 80% des revenus des musiciens viennent de spectacles, ce qui fonctionne bien pour les grands musiciens."
La recherche de talents
Il existe quelques concours en Tanzanie notamment le Kinondoni Talent search, une plateforme nouvellement créée par Paul Makonda, le commissaire de district de Kinondoni. Bongo Star Search révèle un certain nombre de grands musiciens. Ces concours se déroulent sur trois mois et circulent à travers divers villes et villages, donnant aux artistes en herbe l’opportunité de montrer leur talent. Le gagnant est décerné 50 millions Tsh (environ 23 000 $) et obtient un appui de diverses entreprises.
Les ateliers et échanges
Il y a un certain nombre d’institutions de musique qui offrent une formation sous forme d'ateliers et de programmes d'échange. La plupart de ces institutions sont axées sur l’enseignement musical et la promotion de la musique, ainsi que des sujets tels les droits d'auteur et le marketing des artistes et événements. Parmi ces institutions, Nafasi Art Space, Muda Africa, Action Music Tanzania, Culture and Development East Africa[iv], the Dhow Countries Music Academy (DCMA) à Zanzibar, et Music May Day, qui a ouvert un centre de formation durable qui recrute, forme, développe, encourage et commercialise les professionnels hautement qualifiés de l'industrie de la musique.
Ces organisations utilisent généralement la presse locale et les médias sociaux pour annoncer leurs cours et ateliers, les musiciens doivent donc se connecter à l’Internet pour obtenir les mises à jour.
Reconnaissance et parrainage
Beaucoup de sociétés font appel aux musiciens pour la publicité de leurs produits et services. Ces demandes proviennent généralement des grandes entreprises, telles que les brasseries, les sociétés agricoles, les sociétés de télécommunications et les boutiques. Mrisho Mpoto, Diamond, Ali Kiba, Vanessa Mdee, Rich Mavoko et bien d'autres en ont beaucoup bénéficié.
Les musiciens gagnent même de l'argent pour la publicité publiée sur leurs réseaux sociaux, tels qu’Instagram, Facebook, Twitter et YouTube. Les annonceurs reversent jusqu'à 3 000 000 Tsh (environ 1400 $ US) aux artistes populaires pour une publication.
Les institutions internationales telles que Goethe-Institut[v], le Centre danois pour la culture et le développement (CKU)[vi] et l'Alliance Française financent des activités culturelles en Tanzanie en travaillant avec les différents acteurs du secteur culturel. Cependant, il est rare que ces fonds soient alloués directement à l’artiste.
Les plates-formes en ligne et les RBT (Ring Back Tones)
Les plates-formes en ligne comme Mkito.com[vii] et Mdundo.com sont désormais des réseaux de distribution de la musique populaire car ils fournissent un système transparent pour le suivi des ventes. Les télécoms telles que Tigo et Vodacom proposent de la musique à leurs abonnés moyennant un supplément. D'autres artistes vendent leur musique via iTunes. Les annonceurs peuvent utiliser ces plates-formes pour la promotion de leurs produits et services, soit par le biais d'annonces audio rattachées aux titres qui sont ensuite téléchargés gratuitement, ou à travers la bannière publicitaire du site.
Les musiciens gagnent des sommes considérables à partir de ces plates-formes en ligne, car ils peuvent vendre et promouvoir leur musique gratuitement tout en recevant 60% (environ 150Tsh) des profits générés par les ventes et les téléchargements. Les musiciens populaires tels que le Diamond et Ali Kiba gagnent bien leur vie grâce à la vente en ligne et les téléchargements. Ils enregistrent souvent, plus de 10 000 téléchargements.
Les musiciens peuvent gagner de l'argent grâce aux Ring Back tunes. Malheureusement, ce marché, relativement modeste, favorise les artistes traditionnels qui sont déjà bien établis. Certains musiciens ne gagnent pas plus de 35 000 Tsh (16 $ US) par an à partir des Call Back Tunes.
Conclusion
Pour qu’un musicien soit en mesure de profiter de ces opportunités, il ou elle a besoin de composer et d’enregistrer de bonnes chansons et de faire en sorte qu'il promeuve leur musique de manière efficace. Cela soulève un défi pour les artistes en devenir, car les DJs des radios demande généralement un droit de diffusion. Au delà de la musique, les musiciens doivent produire des vidéos. « Vous pouvez produire de la qualité sonore mais si vous ne produisez pas une bonne vidéo, ce sera du travail pour rien. Il faut de l’argent pour faire une bonne vidéo », dit Remy Sostenes, un percussionniste du Cocodo Band.
Afin de promouvoir davantage leur musique, développer leurs identités et gagner un revenu supplémentaire, plusieurs musiciens tanzaniens ont établi leurs propres entreprises, en se lançant par exemple dans la vente de t-shirts personnalisés, en investissant dans des bars, des restaurants, des sociétés de location de voitures, des hôtels ou des salons de coiffure, en animant ou en produisant des émissions pour la télévision.
Malgré les nombreux défis, il est toujours possible de gagner sa vie en tant que musicien si l'on est ouvert à ces opportunités.
[i] www.midundoradio.co.tz [ii] www.cosota-tz.org [iii] www.bongo5.com [iv] www.cdea.or.tz [v] www.goethe.de/ins/ts/en/dar.html [vi] www.cku.dk [vii] www.mkito.com
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