Apple Music, quel intérêt pour la musique Africaine?
Le 30 juin 2015 dernier, Apple Music a fait une entrée remarquée dans l’espace du streaming musical. Rien de bien nouveau, en réalité. Toutefois nous pouvons nous poser la question suivante : quel est l'intérêt de cette nouvelle plateforme pour la musique Africaine et les musiciens africains ?
Comme les autres produits d'Apple, Apple Music n’est pas vraiment le premier du genre car il semble être une nouvelle version de Spotify. Apple s'est beaucoup inspiré des défis auxquels les autres marques internationales comme Spotify ont été confrontés dans le passé. Par exemple, le problème majeur de Spotify et la seule chose qui le rend inintéressant pour les musiciens africains et la musique africaine est qu’il n’est pas disponible sur le continent. Apple Music, sur cet aspect, propose un catalogue de musique africaine et c'est certainement un atout considérable dans le secteur local.
Bonne nouvelle pour les artistes : des écoutes humanisées à la place des algorithmes
Apple Music affirme que, contrairement à la plupart des plates-formes, lui ne choisit pas sa musique à travers des algorithmes informatiques mais que ce sont des humains qui sélectionnent ce que les utilisateurs écoutent. Cela permet une meilleure expérience d’écoute, affirme Apple. À priori, c’est une bonne nouvelle pour les artistes parce que les algorithmes ont tendance à se concentrer sur ce qui est déjà populaire, ignorant ce qui doit encore être découvert.
Cette idée laisse penser que, si leur écoute est plus attentive et plus large, les artistes en tête d’affiche et à la mode en Afrique peuvent encore avoir une chance d'être sélectionnés et présentés sur Apple Music. Ceci, en théorie seulement, parce qu’Apple ne semble pas être impatient de passer à la pratique. Ce voeu pieux d’Apple Music sera testé à la fois pendant et après la période d’essai gratuit initial.
Lorsqu’on jette un coup d’oeil à la bibliothèque africaine d’Apple Music, on peut voir qu’elle présente des artistes pour la plupart bien connus de la musique populaire africaine, mais le véritable défi est de savoir si elle reconnaît vraiment la musique africaine ou si elle exploite ces données à partir de ce qui est déjà populaire tout simplement. En comparaison au reste du continent, le catalogue d’Afrique du Sud a actuellement une portée beaucoup plus large, comme ‘One Night in Soweto’ et ‘Township Favourites’. Il faut dire, cependant, que la plupart des chansons ici ne proposent pas aux auditeurs quelque chose au-delà ce qu'on entend déjà à la radio et à la télévision.
Malgré cela, Apple Music reste toujours une excellente plateforme pour les artistes. La meilleure chose à propos du service pour les artistes est que leur musique peut facilement toucher le monde si elle est enrôlée sur la plate-forme, où l’on peut déjà trouver des géants africains populaires tels que P-Square, Yemi Alade, D’Banj etc...
Plus de visiblité pour la musique africaine sur la scène internationale ?
Le plus grand obstacle se trouve peut-être chez les utilisateurs de musique eux-mêmes, qui pourraient ne pas être familiers avec la musique africaine. La véritable question qu'il faut se poser est celle là : une personne vivant en Norvège, par exemple, prendra-t-elle la peine de faire une recherche dans la section musique africaine ?
Beats 1, la station de radio d’Apple Music, semble mettre la musique africaine au devant de la plate-forme. Julie Adenuga, une de ses DJs, a récemment joué exclusivement une collection de musique africaine. Bien qu’elle se soit limitée à quelques chansons, son effort pourrait pousser les gens à regarder plus attentivement et plus sérieusement dans la catégorie "musique africaine" sur Apple Music.
Apple Music - dans ses sections "For You", "New", "Radio", et "Connect" - semble ne pas montrer la musique africaine sur son interface. Il ne le montre une fois que dans sa section des "conservateurs". Les artistes apparaissent toutefois sur la page d’accueil si un utilisateur les mets en “ favoris“ et les aime.
En comparant Apple Music à d’autres services de musique en streaming, il est facile de voir qu’il a de bonnes chances de réussir à obtenir une large bibliothèque populaire africaine et plus d’utilisateurs en Afrique. Cela étant dit, le service n'aura probablement pas le même succès dans la réalisation d’une large collection de musique africaine qui répond à la fois aux attentes des artistes populaires et émergents.
Profondeur et diversité?
On peut affirmer que pour Apple Music, il est beaucoup plus difficile de conserver de la musique pour les marchés de niche, et que le processus de curation doit donc être pertinent et efficace. C'est là ou le bât blesse. Au-delà de l’hébergement de la musique populaire d’Afrique, Apple Music doit avoir des professionnels en Afrique qui feraient de la veille au-delà de la musique typique exportée et qui comprendraient les nouvelles tendances intéressantes en vogue dans tous les coins du continent. Trouver des professionnels africains pourrait permettre à Apple de regarder et écouter plus profondément et plus largement que ce qui est en surface.
Le catalogue africain d’Apple Music semble répondre en grande partie aux utilisateurs et laux auditeurs qui veulent seulement avoir une idée générique de ce qui se passe dans le domaine de la "musique africaine". Des artiste comme Nozinja, The Muffinz et DeleSosimi - tous déjà assez bien établis sur le marché mondial - apparaîssent dans le catalogue, mais cela demeure insuffisant. Les pays qui ne sont pas actuellement en vogue et qui n’ont pas exporté la musique de leurs artistes resteront probablement négligés.
Concurrence ?
Il ne fait aucun doute sur le fait que la musique africaine soit en croissance et qu’il y'ait un potentiel énorme à exploiter pour les services comme Apple Music. Selon CNBC, l’industrie nigériane produit à elle seule plus de 550 albums de différents types de musique chaque année et au cours des cinq dernières années, les ventes de disques ont plus que triplé. Les analystes prévoient que l’industrie nigériane pourrait valoir un milliard de dollars d’ici 2016.
Toutefois, Apple Music n’est pas le premier service de streaming. En Afrique de nombreuses plates-formes locales et régionales ont vu le jour ces dernières années. Par exemple, le service nigérian de streaming iRoking se développe rapidement pour répondre à la demande d‘un public plus large en Afrique. D'autres plates-formes - comme Spinlet, Waabeh, Grumi (avec sa propre station de radio), BIGxGh, Orin, Mdundo, Mziiki, Tigo Music et autres - peuvent également être vus comme de possibles concurrents d’Apple Music. Ils ont tous un avantage relatif dans le fait qu’ils paraissent avoir une connaissance plus approfondie de ce qui se passe réellement dans le domaine de la musique africaine.
Apple Music ne nuira pas à la musique africaine - mais jusqu’à ce qu’il privilégie véritablement le continent, et que son service d'écoute prenne plus en compte la musique africaine, l’Afrique n'en bénéficiera pas beaucoup par rapport à d’autres parties du monde.
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