Jean Louis Brossard, l’Afrique au cœur
Directeur artistique des Trans Musicales, Jean-Louis Brossard écume la planète chaque année à la recherche de nouveaux sons.
Rencontré en marge de la 41e édition du festival à Rennes (France), par notre envoyée spéciale Sylvie Clerfeuille, il a expliqué pourquoi l’Afrique est son continent de prédilection.
- Jean Louis Brossard (Photo) : actu.fr
SC : Pour sa 41° édition, le festival présente 49 pays et 11 créations et une large représentation de l’Afrique
JLB : Nous avons parfois trois langues différentes dans un même groupe. Il y a beaucoup de groupes très métisses, comme le groupe Songo monté par deux Rennais, une chanteuse sud-africaine et un batteur burkinabé. La musique aujourd’hui est très particulière, avec des influences de chacun. Les artistes créent des nouveaux sons et représentent la musique d’aujourd’hui. C’est ça que j’aime dans mes recherches.
SC : Avec 17 nationalités, 2 artistes en créatyion, 2 conférences et une exposition, l’Afrique est surreprésentée, pourquoi ?
JLB : L’Afrique a toujours été présente en France, comme les Jamaïcains en Angleterre. Nous avons des groupes comme Gystère réunissant des artistes du Cameroun, de Madagascar et du Ghana et un Haïtien. C’est étonnant, cela donne un autre son, des gens qui n’ont pas écouté que de la musique traditionnelle mais qui ont été bercés par Funkadelik, Georges Clinton, le disco et les sons des années 1980. Ils arrivent à créer quelque chose de nouveau. On le retrouve aussi dans le rap, par exemple Art Melody du Burkina Faso, Coco EM, une Djette kenyane qui a un style particulier, qui ne joue pas que de la musique africaine mais de la house, de la techno avec son feeling à elle.
SC : Est-ce que ces artistes africains apportent une couleur différente à tous ces grands genres,
JLB : Oui, je pense, ils sont tous particuliers, comme Guiss Guiss Bou Bess qui joue du sabar, il y a les voix, les percussions, la danse mais le groupe amène autre chose avec les machines. C’est complètement nouveau...
SC : Parlez moi des deux creations, Kador et Lous and the yakuza
JLB : Lous est du Congo et du Rwanda, a vécu une vie assez difficile à 23 ans, Elle raconte la vie dans ses textes, il y a même une chanson pop, « 4 heures du matin », qui raconte un viol, c’est bouleversant. Elle a été en résidence à l’Aire libre une semaine avant le début des concerts, les artistes habitent une maison à côté, ils vont travailler le son, les éclairages, la mise en scène et après, ils vont faire 6 concerts d’affilée. Kador, c’est un premier concert, il n’a jamais joué sur scène, c’est un artiste du Malawi qui est installé à Paris et qui a monté un groupe de rock. C’est vraiment du rock, on ne sent pas l’Afrique dedans mais il y a un côté rock et hip hop.
SC : Toutes ces nouvelles tendances que vous soulignez dans votre édito, ce retour du reggae et du jazz, de la soul et du rnb, vous considérez vous au bout de 40 ans, comme une oreille du monde qui traqueraient les grandes tendances qui émergent ?
JLB : Je ne sais pas si on peut parler de grandes tendances car moi, je travaille au coup de cœur. Chaque artiste que je programme, c’est qu’il y a un truc qui me plaît. J’aime bien le mot « sono mondiale ». Remi Kolpa Kopoul de Radio Nova qui était un ami l’a lancé dans les années 1980. Dans les Trans dans les années 1990, il y avait beaucoup d'artistes français anglais, américains, Aujourd’hui on va plus loin. Le côté « sono mondiale » c’est ce que je monte depuis 4/5 ans, on va rechercher des artistes en Chine, au Japon, en Amérique latine, au Mexique, et surtout en Afrique.
SC : Pourquoi deux conférences autour de l’Afrique spécifiquement ?
JLB : Comme on avait pas mal d’artistes africains, j’ai eu envie de monter quelque chose, une expo à l’UBU d’artistes africains, qui sont passés aux Trans, une trentaine de pochettes de disques, y en aura plein d’autres au Liberté, 500 de tous styles toute l’année. On va parler de la création, des maisons de disques, comment ça se passe là-bas.
SC : Comment se fait l’enracinement des publics sur le territoire et comment faites vous évoluer ce public ?
JLB : Pour nous, tout public a droit à la culture, c’est les droits culturels, il y a un artiste qui va travailler avec des personnes handicapées, en fauteuil roulant, etc. Ils vont faire des chansons ensemble. On l’a fait déjà pendant trois ans, on travaille beaucoup avec des scolaires, j'avais un concert à l’Ubu avec des gamins de 5 ans à 11 ans. Il y avait un groupe japonais de hip hop, un joueur de tabla et un rappeur. Ils avaient amené des petits drapeaux japonais, c’était super.
SC : Ça apporte beaucoup a la region ?
JLB : On amène des artistes des Trans dans les quartiers, pas un concert jeune public avec un groupe qui chante pour les enfants, un groupe tous publics. On fait des concerts en prison, Guiss Guiss Bou Bess cette année a joué à la prison des hommes.
SC : Vous avez lancé une application mobile, la web map
JLB : La trans music map, c’est une cartographie par genre de musiques, traditionelle, folk, d’un côté, jazz urbain de l’autre, électro etc… de l’autre. Dans les groupes on va retrouver ce qu’il prenne un peu de ci un peu de ça. Pour voir la programmation de cette année, il faut cliquer sur le nom d’un groupe, tu vas avoir du son, le texte que l’on met sur la bio, tu vas retrouver toute l’histoire des Trans de 1979 à nos jours. C’est pour remettre les gens dans l’histoire des Trans, montrer comment la région a vécu cela et la ville de Rennes qui est une grosse ville de musique. On a commencé en 1979 avec seulement des artistes de rennes. Au début, on voulait montrer les Rennais aux Rennais. Aujourd’hui, il y a toujours des Rennais c’est ce qui est génial.
SC : Est-ce que les musiques se portent bien par rapport à 1979
JLB : La musique live se porte bien, les groupes c’est essentiellement le live qui les fait vivre, les disques se vendant peu. Les gamins téléchargent, filment, ils n'ont même pas besoin d’acheter un disque. Ce n'est pas avec le disque que les artistes vont pouvoir vivre. Je fais des concerts toute l’année, 2 à 3 concerts par semaine dans le club Ubu, et des fois je découvre le disque parce qu’il y a le marchandising. En promo, on ne reçoit plus rien. On reçoit un fichier, un peu de son, moi, je suis très vinyle, junky.
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